Tous les vivants · C. E. Morgan

Quelle plume, quels personnages et quelle atmosphère! Tous les vivants de C. E Morgan est un premier roman remarquable et admirablement traduit par Mathilde Bach.

Tous les vivants (2020) est une plongée très immersive dans le quotidien d’un jeune couple vivant dans une ferme isolée du Kentucky.

Aloma et Orren ont 20 et 23 ans lorsqu’ils se rencontrent. Elle est une talentueuse pianiste et professeur de piano, lui un étudiant au lycée agricole situé à quarante kilomètres de là. Alors qu’elle rêve de se libérer de son enfance d’orpheline, de quitter les montagnes du Kentucky et de rejoindre le « vrai monde » pour y vivre pleinement de sa musique, lui ne parle que de vaches, de moutons et de la ferme qu’il possédera un jour. Ces deux-là s’aiment mais ne semblent pas se rendre compte que leurs rêves ne pourront jamais converger.

Dix-huit mois après leur première rencontre et trois semaines après le décès de la mère et du frère d’Orren dans un tragique accident de la route, Aloma s’installe chez Orren. Son nouvel environnement est constitué de champs de tabac, de vaches et de poules, d’une grande maison délabrée abritant un piano émettant « un son aussi avarié qu’une viande rassise » et enfin d’un homme qui en devenant le dernier et l’unique gérant de la vaste exploitation familiale n’a d’autre choix que de se tuer au travail pour tenter de sauver ce qui peut encore l’être. Le silence et la solitude font dorénavant partie intégrante du quotidien d’Aloma.

« Elle vivait dans un endroit où rien ne lui évoquait le moindre souvenir et dont le passé lui était totalement inconnu. Elle en était avec ses débuts avec la terre ».

Si lors des premières semaines elle est entièrement occupée à aligner ses désirs sur ceux d’Orren, Aloma est progressivement assaillie de doutes. Impuissante face à l’omniprésence des disparus et à la douleur d’Orren, luttant entre son désir d’aimer et d’être aimée et ses rêves de liberté, elle finit par étouffer dans ce nouvel univers qu’elle ne comprend pas et qui semble la rejeter. Seule sa rencontre avec le pasteur du coin qui décide de l’embaucher pour jouer du piano pendant les messes égaie un peu son quotidien morne.

Tous les vivants est un magnifique roman rural porté par une plume d’une grande puissance évocatrice. C.E. Morgan excelle à restituer toute la beauté et la dureté des paysages ruraux du Kentucky englués dans la sécheresse, la poussière et le silence et à dresser un portrait touchant et tout en finesse de deux êtres prisonniers de leurs rêves et de leurs douleurs.

Un très beau roman sur l’attachement à la terre et aux racines, sur le poids des traditions familiales et sociales, sur la vie et sur la mort, sur les rêves et les désillusions.

Gallimard, 242 pages, janvier 2020.

All the Living (2009)
Trad. Mathilde Bach



© Michael Vines / Pixabay

3 réflexions au sujet de “Tous les vivants · C. E. Morgan”

  1. Sans un groupe spécialisé en littérature américaine sur Facebook, je serais peut-être passée à côté et ça aurait très dommage! Le second roman de l’auteure (une jolie brique publiée l’année dernière), « Le sport des rois », a recueilli des avis très positifs également. Tu en as peut-être entendu parler? Il est sorti en poche récemment et une chose est sûre: je vais me le procurer dès que possible!

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