Lumière d’été, puis vient la nuit · Jón Kalman Stefánsson

Amoureuse des grands espaces et des pays nordiques, il était plus que temps que je découvre enfin la plume et l’univers de Jón Kalman Stefánsson! J’attendais beaucoup de ce roman -d’autant plus qu’il a été traduit par Eric Boury-, et je suis très heureuse d’avoir enfin sauté le pas car la découverte fut belle. Très belle.

Lumière d’été, puis vient la nuit (2020) est paru en Islande en 2005 et se place chronologiquement avant la fameuse trilogie composée de Entre ciel et terre (2010), La tristesse des anges (2011) et Le coeur de l’homme (2013) qui a permis à Jón Kalman Stefánsson de se faire connaître en dehors de l’Islande. J’arrive donc tranquillement dix ans après tout le monde mais quelle joie d’avoir encore toute une bibliographie à découvrir! Je me suis d’ailleurs empressée d’acheter ladite trilogie…

Lumière d’été, puis vient la nuit est la chronique d’un village des fjords de l’ouest, un banal petit village de quatre cents âmes perdu au milieu de nulle part, sans aucune particularité si ce n’est celle de n’avoir ni église ni cimetière et de compter la plus grande proportion d’octogénaires en Islande.

« Matthías: Un trou paumé reste un trou paumé, qu’importent tes exigences, il ne se passe jamais rien… (…) Elísabet: Mais ce n’est pas le cas si on se suffit à soi-même. Et bien sûr qu’il se passe des choses, le temps change constamment, le ciel s’agite, on dirait parfois qu’il penche, et là, il n’y a plus rien de certain dans la vie, ici, l’aube n’arrive jamais exactement de la même manière, (…) »

C’est dans ce trou paumé où « on risque de s’endormir rien qu’en le traversant en voiture » que l’auteur entreprend de nous emmener. Sur trente ans et de façon non linéaire, il nous raconte ainsi le quotidien et le destin d’un petit nombre d’habitants et analyse leur façon de s’adapter au temps qui passe et bouleverse les habitudes et l’environnement. Enfin, il livre quelques réflexions métaphysiques.

« Et bien sûr, nous vous parlerons de la nuit suspendue au dessus-de nos têtes, de la nuit qui puise sa force au fin fond de l’univers, des jours qui vont et viennent, des chants des oiseaux et du dernier instant (…) »

Grâce à un narrateur anonyme s’exprimant au nom du village tout entier et prenant le lecteur pour témoin, l’auteur attribue à ces histoires individuelles une dimension universelle. Car si les villageois vivent « sur une île loin de tout bien qu’à deux pas de l’éternel hiver et des ses pesantes ténèbres », leurs préoccupations sont universelles. Ils vivent et meurent, aiment, désirent et trahissent. Rient et pleurent, se réjouissent et s’inquiètent.

Chronique villageoise d’une part, plaidoyer sur le temps qui passe d’autre part, Lumière d’été, puis vient la nuit dit ce qui est et ce qui n’est plus et interroge le bien-fondé de la nouvelle et incessante course à la modernité en la confrontant aux souvenirs d’une époque révolue.

J’ai aimé lire l’ordinaire. J’ai aimé la lenteur, le silence et la solitude. Le ton et l’écriture empreinte de poésie. La pertinence des réflexions. La diversité et la profondeur des personnages.

Un magnifique voyage en terres islandaises. Simple, beau et humain.

Note : 4.5 sur 5.
Grasset, 320 pages, août 2020.

Sumarljós, og svo kemur nóttin (2005)
Trad. Eric Boury


Photo © David Mark

12 réflexions au sujet de “Lumière d’été, puis vient la nuit · Jón Kalman Stefánsson”

  1. tu écris un très beau billet et tu réussis aussi à dire pourquoi je n’accroche pas du tout à cet auteur 😉 Je passe mon chemin mais je sais que Jérôme l’adore du coup il devrait partager ton avis !

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  2. J’ai hâte de lire celui-ci, j’ai lu le premier de la trilogie et aussi Les poissons n’ont pas de pieds. C’est avec ce roman que j’ai découvert l’auteur. Et la traduction d’Éric Boury est toujours splendide. Je les ai vus tous les deux à la librairie Millepages à Vincennes il y a deux ans je crois, pour la sortir d’artisans doute. Ils sont vraiment sympas.

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  3. Je vais commencer par la trilogie que j’ai achetée immédiatement après avoir fini celui-ci, mais je compte bien lire toute sa bibliographie! Et oui, le nom d’Eric Boury est un vrai gage de qualité. Quelle chance tu as eue de les rencontrer, ça a dû être passionnant! J’ai pour ma part eu l’occasion d’écouter Eric Boury à Quais du polar puisqu’il est également le traducteur d’Arnaldur Indridason que j’aime bcp aussi. Un très bon moment!

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