Les femmes n’ont pas d’histoire · Amy Jo Burns

En panne de lecture depuis trois bonnes semaines, je profite de cette pause forcée pour rédiger enfin mes billets en retard. J’inaugure aujourd’hui cette petite série avec Les femmes n’ont pas d’histoire d’Amy Jo Burns, un très bon roman noir que j’ai lu en mars.

Après Cinderland (2014), un récit non traduit en français dans lequel elle raconte la façon dont une série d’agressions sexuelles a bouleversé la petite ville de la Rust Belt dans laquelle elle a grandi, l’autrice américaine Amy Jo Burns (1981) signe un premier roman fort et maîtrisé. Roman rural noir et roman d’émancipation, Les femmes n’ont pas d’histoire (2021) est une plongée saisissante au coeur d’une région industrielle sinistrée et dans le quotidien d’une famille survivant dans l’isolement et le dénuement le plus total dans les montagnes de la Virginie-Occidentale.

« Elle n’avait jamais autant redouté la fin de sa vie qu’elle en redoutait la longueur. »

Non loin de Trap (« piège » en anglais), « un patelin coincé dans les montagnes [où il est] difficile de [se] rendre et encore plus difficile [de] partir » vit une petite communauté dont les membres sont connus pour « le mordant de leur gnôle et la pauvreté de leurs coeurs ». Les hommes sont manipulateurs de serpents ou fabricants de whisky de contrebande de père en fils tandis que les femmes leur sont soumises et n’ont pas leur mot à dire. N’existant qu’à travers les hommes, elles sont prisonnières d’une vie emplie de souffrance et de violence et ploient sous le poids de la religion, des traditions et de certaines croyances issues d’un autre temps.

C’est dans cette contrée oubliée des hommes, dans une cabane délabrée au milieu des marais que vivote une adolescente de quinze ans. Wren grandit entre une mère malheureuse embourbée dans une vie qui ne lui convient plus et un père autoritaire et violent, un prédicateur et manipulateur de serpents, une véritable légende vivante depuis qu’il a miraculeusement survécu à la foudre.

C’est dans cette cabane sans eau ni électricité qu’Oeil-Blanc maintient sous sa coupe sa femme et sa fille. Coincé dans une époque révolue et redoutant plus que tout de voir périr son mode de vie, il leur impose une vie de réclusion, refuse toute éducation à sa fille et rejette toute forme de médecine moderne. L’avenir de Wren, sombre et désespéré, semble tout tracé. Jusqu’au jour où deux accidents tragiques vont inverser le cours des choses.

A travers l’histoire de deux générations de femmes, Amy Jo Burns dépeint avec force et beaucoup de talent une contrée hostile et économiquement dévastée, dit le désespoir et les vies brisées mais également l’amitié, la solidarité et la volonté de s’en sortir.

Note : 4.5 sur 5.
Sonatine, 303 pages, février 2021.

Shiner (2020)
Trad. Héloïse Esquié




Photo © David Mark, Pixabay

13 réflexions au sujet de “Les femmes n’ont pas d’histoire · Amy Jo Burns”

  1. oh une sacrée panne de lecture ! j’ai eu ça l’an dernier. J’ai recommencé avec une nouvelle (oui très court) puis une BD et puis un polar car ça se lit bien et même une romance et ensuite ouf c’est reparti !
    bon ça a l’air pas mal, mais ça donne aussi tellement familier, on pense à plein d’autres romans depuis Winter’s Bone et puis l’autre zut chez Gallmeister, toujours pareil : la fille qui vit dans les montagnes (toujours le même coin) avec un père rustre, fou .. bref désolée mais j’en ai lu déjà au moins trois, j’ai ma dose !

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    1. Je me souviens de ta panne. C’est la première fois qu’une panne dure aussi longtemps chez moi mais ce n’est pas grave, je ne me force pas et puis ça me permet de rédiger enfin mes billets en retard.

      Je comprends pour ce livre; je n’ai pas lu « My absolute Darling « (ni « Betty » mais je ne sais pas trop si c’est comparable) mais j’ai fait des parallèles avec David Joy ou Tess Sharpe (même si elle situe son intrigue dans un autre coin). Ce fut une très bonne lecture en tous cas et je pense me procurer son premier titre.

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  2. je suis victime de la panne de lecture depuis le COVID en fait, je suis attirée vars des livres qui d’habitude ne me tentent pas car envie de plus de légèreté mais frustrant… Du coup j’ai plongé dans les thrillers avec risque d’overdoses…
    La motivation et la concentration semblent s’améliorer un peu…
    comme sonatine me snobe je lui rends la pareille… C’est très primaire comme réaction je le reconnais…

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    1. Je comprends très bien ton besoin de légèreté et les polars/thrillers sont parfaits pour ça. Il me semble que tu n’as pas encore lu « Les voisins » de Fiona Cummins… Il est génial, n’hésite pas, tu ne seras pas déçue (et ce n’est pas un Sonatine 😉). Il y a aussi largement de quoi faire avec les romans historiques. Kate Mosse par exemple. C’est très léger niveau historique – un peu trop léger pour moi – mais c’est très addictif!

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      1. j’aime bien les romans historiques mais plus quand même l’Histoire
        Kate Mosse me plaît bien,
        je tente en ce moment « Les possibles » de Virginie Grimaldi dont je ne voulais rien lire jusqu’à présent et il me plaît assez…. Alors ou je yoyote complètement ou j’avais un a priori 🙂

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