Le guerrier tortue · Mary Relindes Ellis

C’est avec la gorge nouée et la larmichette au coin de l’oeil que j’ai lu Le guerrier tortue, un très beau roman paru initialement en 2007 sous le titre Wisconsin et réédité tout récemment chez Gallmeister.

Autrice de nombreuses nouvelles publiées dans la presse américaine et de deux romans, Mary Relindes Ellis (1960-2016) signe avec Le guerrier tortue un premier roman poignant entremêlant sur un peu plus de trente ans la douloureuse histoire de deux familles de fermiers du Wisconsin.

« Pas besoin de mourir pour perdre la vie. »

Non loin d’Olina, une modeste communauté agricole allemande de six cents âmes établie sur les terres arides du Nord du Wisconsin, vit la famille Lucas. John, une brute épaisse doublée d’un ivrogne notoire, fait régner la terreur sur sa frêle épouse Claire et leurs deux fils de seize et huit ans qui prennent naturellement l’habitude de se réfugier dans la nature ou auprès de leurs voisins. La ferme d’Ernie et Rosemary Morriseau, un couple sans enfants aimant et bienveillant est devenu au fil des ans un véritable havre de paix permettant à Jimmy et Bill de fuir, l’espace de quelques heures, la violence de leur foyer. Lorsqu’à dix-huit ans Jimmy s’engage secrètement dans les marines et part au Vietnam, le climat familial se dégrade au point de faire de Bill « le réceptacle de toute la douleur familiale ». Privé de la présence rassurante et de la protection de son grand-frère, Bill se retrouve subitement et tragiquement seul face à la fureur et la cruauté de son père mais également face à la folie grandissante de sa mère.

« Mieux vaut vivre avec ses blessures que mourir étouffé dans sa coquille. »

Mary Relindes Ellis a fait le choix du roman choral pour suivre la triste et difficile évolution de Bill depuis son enfance jusqu’à l’âge adulte. Les divers personnages gravitant autour de cet enfant différent, solitaire et silencieux, n’ont pas non plus été épargnés par la souffrance. Marqués à vie, ils ne guériront jamais complètement mais apprendront à faire face.

Sur fond de Guerre du Vietnam, de musique d’Elvis Presley ou de Simon&Garfunkel, Mary Relindes Ellis écrit un roman très fort et terriblement émouvant sans être jamais larmoyant sur les immenses difficultés de grandir dans un foyer instable et violent, de faire face à l’absence et au deuil et enfin de se relever et se reconstruire après avoir vécu l’inimaginable.

Si Le guerrier tortue est un roman d’une infinie tristesse, il n’en reste pas moins lumineux. La tendresse et la bienveillance, le pouvoir réconfortant de la nature et celui, salvateur, de l’amour, jouent un rôle essentiel sur le long chemin vers la résilience, le pardon et la rédemption.

Une lecture d’une profonde humanité. Magnifique, tout simplement.

Note : 5 sur 5.
Gallmeister, 464 pages, avril 2021.

The Turtle Warrior (2004)
Trad. Isabelle Maillet






Photo @ Pixabay

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