Le roi et l’horloger · Arnaldur Indriðason

Depuis de nombreuses années, février rime pour moi avec Arnaldur Indriðason. C’est donc avec plaisir que je me suis plongée dans le dernier -très bon- cru de l’auteur islandais qui nous propose cette année non pas la suite des aventures de Kónrað, policier islandais à la retraite, mais un roman historique indépendant à cheval entre le Danemark et l’Islande.

Le roi et l’horloger (2023) s’articule autour d’un chef-d’oeuvre de l’horlogerie façonné à la gloire de Dieu et de la Vierge Marie par l’horloger suisse Isaac Habrecht (1544-1620) à la fin du XVIème siècle. Ce butin de guerre, une merveille dont le mécanisme n’avait jamais pu être restauré, reposait depuis deux siècles sous une épaisse couche de poussière dans une remise du palais royal de Christiansborg à Copenhague. Jusqu’au jour où Jon Sivertsen, horloger islandais vieillissant exilé au Danemark, est convoqué au palais pour y réparer une pendule quelconque et obtient du régisseur des réserves royales l’autorisation de réparer le chef-d’oeuvre de Habrecht.

C’est ainsi que l’horloger, qui office généralement au palais à la fin de sa journée de travail, fait progressivement la connaissance de Christian VII (1749-1808). Le roi du Danemark et de Norvège a en effet tendance à errer dans les couloirs la nuit, hirsute, en chemise de nuit et l’haleine chargée de vin de Madère. Depuis qu’il a été écarté du pouvoir par son fils en raison de son instabilité mentale, il traîne son mal-être et sa mélancolie dans les couloirs du palais. C’est là, dans l’encombrement de la remise royale qu’une étrange relation va petit à petit naître entre les deux hommes.

A partir de là, Arnaldur Indriðason alterne les chapitres consacrés d’une part aux avancées des travaux de restauration de Jon et à sa relation avec le roi et, d’autre part à la tragédie qui a touché le père de Jon en Islande. En relatant au roi le quotidien difficile des Islandais notamment sous le joug colonial de Frédéric V, le père de Christian VII, ce dernier dépasse progressivement ses a priori envers un peuple qu’il jugeait primaire et découvre les terribles réalités islandaises et la cruauté qui y est exercée en son nom.

Le roi et l’horloger est à la fois une plongée captivante dans un pan de l’histoire coloniale danoise du XVIIIème siècle et un récit familial tragique que l’auteur agrémente par ailleurs de considérations plus générales sur l’art, le temps et la paternité.

Une très bonne lecture!

Note : 4.5 sur 5.
Métailié, février 2023, 316 pages

Sigurverkið (2021)
Trad. de l’islandais
par Eric Boury

7 réflexions au sujet de “Le roi et l’horloger · Arnaldur Indriðason”

  1. C’est drôle, nos deux notes se ressemblent vraiment ! Tu insiste plus que moi sur l’histoire de l’horloge. J’aurais du le faire, parce cette histoire, même si elle est en arrière plan, est intéressante aussi. Finalement, c’est une autre histoire de paternité …

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    1. Notre avis se rejoignent en effet grandement même si nos approches diffèrent. Je suis partie de l’horloge car sans elle, l’horloger et le roi ne se seraient pas rencontrés et il n’y aurait pas eu d’histoire. En revanche, je reste beaucoup plus vague sur l’histoire du père en Islande alors qu’elle est importante et révèle bien des aspects de la dureté de la vie sous domination étrangère.
      Ce n’est pas évident de trouver le bon angle lorsque plusieurs niveaux narratifs s’entrelacent et puis il y a toujours cette crainte de trop en dire…

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