Ayant passé un magnifique séjour de près de deux semaines aux îles Féroé en août 2019, je ne peux décemment pas passer à côté d’un roman qui s’y déroule. Ce fut aussi l’occasion pour moi de découvrir enfin Patrice Gain.
Avec Les brouillards noirs (2023), son sixième roman, le professionnel de la montagne et ingénieur en environnement français Patrice Gain (1961) signe un roman très sombre, à la fois drame familial et quête personnelle, avec en toile de fond les grands espaces sauvages féroïens et une tradition ancestrale barbare.
Suite à un appel très inquiétant de son ex-femme avec laquelle il n’a plus de contact depuis qu’elle s’est installée en Belgique onze ans plus tôt avec leur fille Maude, Raphaël Chauvet n’hésite pas longtemps. Il fait sa valise et, son violoncelle sur le dos, prend l’avion pour Tórshavn, la capitale des Féroé, bien décidé à retrouver sa fille désormais adulte qui y est portée disparue. Très vite, il se rend compte qu’elle se trouvait sur l’archipel en tant qu’activiste avec une ONG luttant contre le « Grindadráp », une tradition féroïenne de chasse aux cétacés archaïque et sanglante.
L’environnement naturel à la fois majestueux et hostile propre à un archipel de l’Atlantique Nord fouetté par les vents, la pluie, la neige et les brouillards noirs participe à donner au roman une atmosphère très sombre et menaçante. C’est dans cet environnement particulièrement intimidant qu’un père rongé par la peur met tout en oeuvre pour retrouver sa fille qu’il n’a pas vu grandir. Sa quête désespérée non seulement ravive de profondes douleurs personnelles mais se heurte également à l’inaction de la police et aux comportements pas toujours bienveillants de certains Féroïens à l’égard des étrangers.
Si j’ai lu Les brouillards noirs d’une traite et en ai globalement apprécié l’intrigue ainsi que certaines réflexions sur la cruauté animale, je dois tout de même soulever quelques bémols. Les descriptions des paysages sont restées très classiques et somme toute assez vagues, donnant l’impression que l’auteur s’est contenté de s’inspirer de photos de l’archipel pour écrire son roman. L’atmosphère, bien que très bien rendue, est particulièrement sombre et violente, très dramatique, trop peut-être. Le portrait brossé par l’auteur de l’archipel et de ses habitants enfin m’a semblé peu nuancé et trop manichéen.
Malgré cet avis quelque peu mitigé, je suis tout de même curieuse de lire un autre roman de cet auteur dont les intrigues semblent toutes se dérouler au coeur des grands espaces sauvages.
« Nous avons industrialisé la mort et la violence en créant des élevages intensifs pour faire du fric. La majorité des habitants de cette planète ne veulent être rien d’autre que des consommateurs, manger de la viande, consommer des tas de produits laitiers, mais surtout ne jamais voir la mort, ne jamais l’entendre. […] Si les murs des abattoirs étaient transparents, les soirées barbecues seraient moins festives. »
