Comme souvent lorsqu’un livre fait énormément parler de lui, je fuis et j’attends que la déferlante s’arrête. Le deuxième volet de la trilogie que Leïla Slimani (1981) a consacrée à l’histoire du Maroc de la deuxième moitié du XXème siècle étant paru l’année dernière, il était temps que je plonge enfin dans le premier.
La journaliste et romancière franco-marocaine dont j’ai lu et apprécié (sans plus) il y a quelques années Chanson douce (2016) signe avec Le pays des autres (2020) un roman historique et familial captivant inspiré de l’histoire de sa famille maternelle. On y suit, sur dix ans, la vie de la jeune alsacienne Mathilde et de son mari Amine, un ancien combattant marocain décoré par l’armée française, et celle de leurs deux enfants, Aïcha et Selim.
Après la Libération, le couple Belhaj quitte la France pour s’installer au Maroc, à Meknès tout d’abord puis au coeur du vaste domaine agricole familial situé à vingt-cinq kilomètres de là sur des terres rocailleuses et peu fertiles. C’est là, dans une petite ferme isolée que Mathilde, autrefois un esprit libre et indomptable, réalise qu’elle est « une étrangère, une femme, une épouse, un être à la merci des autres » et apprend à supporter « la solitude et la vie domestique, à endurer la brutalité d’un homme et l’étrangeté d’un pays ».
Dans ce premier volet qui couvre dix ans de l’histoire du Maroc de l’immédiate après-guerre, Leïla Slimani entremêle habilement les bouleversements intimes et historiques, individuels et collectifs, tout en explorant les rapports de force et de domination à l’oeuvre dans ce « pays des autres ».
A travers le parcours de Mathilde qui face à la perte de ses repères peine à trouver ses marques dans cette société patriarcale, Leïla Slimani aborde la question de la condition féminine tout en évoquant également les difficultés culturelles liées à la mixité du couple formé par Mathilde et Amine. Parallèlement, elle brosse le portrait très intéressant d’une société en pleine mutation. Le contexte politique dans le Maroc des années cinquante en effet est tendu et marqué, à quelques mois de la déclaration d’Indépendance, par une multiplication des attentats, des meurtres et des enlèvements. Les Marocains en quête d’indépendance s’opposent de plus en plus fréquemment et violemment à la présence coloniale française.
Si je suis restée quelque peu à distance des personnages en raison d’une certaine froideur dans la plume, j’ai malgré tout été happée par ce roman passionnant porté par un grand souffle romanesque. La force évocatrice de la plume de Leïla Slimani ainsi que son sens très sûr de la narration m’ont donné très envie de rapidement me plonger dans Regardez-nous danser (2022).

Je ne l’ai pas lu, mais ta critique me donne envie de le lire.
Merci 🙂
J’aimeJ’aime
Avec plaisir Claude 🙂 Je me réjouis déjà de lire la suite!
J’aimeJ’aime
J’avais repéré ce roman et malgré ton petit bémol, tu me confortes dans l’idée de le lire.
J’aimeJ’aime
C’est un petit bémol qui m’a passablement gênée jusqu’à environ la moitié du roman et puis je n’y ai plus pensé. J’ai très hâte de lire la suite!
J’aimeJ’aime