Quelques critiques très positives sur le dernier roman de S. A. Cosby paru en début d’année m’ont donné envie de lire à mon tour l’auteur de romans noirs américain. Pour découvrir sa plume et son univers, j’ai choisi son premier roman traduit en français. Quelle excellente lecture!
Les Routes oubliées (2022), le deuxième roman de Shawn A. Cosby (1973) mais le premier traduit en français avant La Colère (2023) et Le sang des innocents (2024) s’intéresse à la question de l’héritage familial et social à travers le destin d’un Afro-américain étranglé par les dettes qui décide de tenter le tout pour le tout pour s’en sortir.
Beauregard Montage est un mari et un père aimant, un homme honnête et sérieux ayant définitivement rompu avec son passé criminel. Vivant très modestement avec sa femme et ses deux fils dans une caravane à Red Hill près de Richmond en Virginie, il gère son propre garage avec l’aide de son cousin Kelvin. Lorsque des Blancs s’installent dans la région pour y ouvrir un nouveau garage beaucoup plus grand et moderne dans lequel ils pratiquent des prix défiant toute concurrence, le quotidien de la famille Montage devient critique. Le travail diminue de façon brutale et les rentrées d’argent se font de plus en plus rares tandis que les factures, elles, continuent d’arriver et de s’accumuler.
« En vérité, on ne se range jamais pour de bon : quand on a un passé criminel, on passe toute sa vie à regarder par-dessus son épaule. On n’enterre pas ses armes sous une chape de béton, on les garde à portée de main, car c’est le seul moyen de s’autoriser à se détendre. »
Lorsque la maison de retraite dans laquelle est placée sa mère le convoque au sujet d’une facture absolument indécente à laquelle s’ajoutent déjà bientôt les frais d’université exorbitants pour sa fille issue d’une première relation, c’en est trop pour Beau. Malgré le refus de sa femme, il décide de renouer -juste pour cette seule et unique fois- avec son lointain passé de braqueur. Grâce à ses capacités de conduite exceptionnelles, il est recruté en tant que chauffeur dans le cadre d’un juteux braquage de bijouterie qui lui permettra non seulement de régler toutes ses dettes en une seule fois mais également de lui donner de quoi survivre et subvenir aux besoins de sa famille pendant quelques temps. On s’en doute : rien ou presque ne se déroulera comme prévu.
A travers la trajectoire et les choix de Beau, S. A. Cosby soulève la question des inégalités sociales et de la pauvreté des Noirs dans les petites villes du sud des Etats-Unis et la façon dont celles-ci peuvent avoir un impact très contestable sur certaines prises de décisions.
« [… ] quand tu es un homme noir aux Etats-Unis, tu dois porter tous les jours sur tes épaules le poids des préjugés des autres. Et crois-moi, c’est un poids qui peut peser très lourd. Il faut voir ça comme une course où tu pars après tout le monde, avec en plus un boulet au pied. Avec des options, tu gagnes la possibilité de te libérer de ce boulet et de tenter de rattraper la tête de la course. Avoir le choix, c’est être libre. Et il n’y a rien de plus important au monde que la liberté. »
Hanté par le fantôme de son père parti sans laisser d’adresse en abandonnant femme et enfants à leur sort, Beau est déterminé à faire mieux et à se battre pour offrir un avenir digne à ses trois enfants. Lorsqu’il se retrouve acculé, le désespoir le gagne et le pousse pourtant à commettre les mêmes erreurs que son paternel. A travers le portrait d’un homme hautement imparfait mais non moins charismatique et attachant, S. A. Cosby raconte la paternité et la filiation, unies par une même rédemption impossible.
Si Les Routes oubliées apparaît comme un roman très masculin empli de bruits de moteurs qui rugissent et de pneus qui crissent, S. A. Cosby a toutefois parfaitement su adapter sa plume très cinématographique à un contexte plus intimiste et à créer des personnages d’une belle épaisseur psychologique.
Une excellente lecture et un auteur à suivre!

342 pages
Blacktop Wasteland (2020)
Traduit de l’anglais (USA)
par Pierre Szczeciner
© Pixabay
un roman que sans doute je ne lirai pas mais qui semble pourtant fort intéressant
J’aimeJ’aime
Il l’est en effet et je me réjouis déjà de lire les deux romans suivants!
J’aimeJ’aime
Je n’apprécie pas beaucoup les bandeaux sur les livres, mais j’avoue que la caution de Dennis Lehane est un gros plus à mes yeux. J’aime les romans noirs à veine sociale et celui-ci a l’air très bon.
J’aimeJ’aime
Tout comme toi, les bandeaux me font généralement lever les yeux au ciel haha. Cet auteur m’a subjuguée et je me réjouis déjà grandement de lire ses deux romans suivants!
J’aimeAimé par 1 personne
J’ai prévu de découvrir cet auteur, et les avis positifs s’accumulent… Bien, bien…
J’aimeJ’aime
Excellente nouvelle. Quant à moi, j’ai déjà commandé ses deux autres titres à ma librairie, hâte!
J’aimeJ’aime
Je ne connais pas cet auteur mais il a toutes les chances de me plaire. Il est à la bibliothèque, je n’ai plus qu’à lui trouver une petite place.
J’aimeJ’aime
Tu verras, il est très addictif et se lit très vite.
J’aimeJ’aime
En général, je n’aime pas beaucoup non plus les accroches sur les bandeaux de couvertures mais je reconnais que la caution de Lehane (en plus de ton avis positif) est un excellent argument en faveur de ce livre.
J’aimeJ’aime
Je viens de récupérer ses deux autres romans à ma librairie aujourd’hui! J’espère que tu te laisseras tenter.
J’aimeJ’aime
tu vas me vendre toutes tes lectures ! bon je le connais, mais jamais lu, j’ignorais qu’il était traduit et je vois que Lehane l’encense ! merci pour cette chronique.
J’aimeJ’aime
Haha, tant mieux! Cosby est un auteur incroyable, je me suis empressée d’aller acheter ses deux autres romans!
J’aimeJ’aime
Je découvrirai cet auteur avec Le sang des innocents, c’est celui que j’ai dans ma PAL. J’espère que sa lecture sera toute aussi excellente !
J’aimeJ’aime
Les commentaires semblent tous très enthousiastes en tous cas, c’est bon signe!
J’aimeJ’aime