Sous la grande roue · Selva Almada

Troisième et dernière lecture dans le cadre du mois latino américain. Et c’est encore une bonne découverte!

Sous la grande roue (2019) est le troisième livre traduit en français de l’autrice argentine Selva Almada (1973) après Après l’orage (2014), son premier roman, et Les jeunes mortes (2015), une enquête sur les féminicides impunis en Argentine.

Sous la grande roue est la chronique d’une tragédie annoncée dès les premières lignes. Après une ultime altercation, Pájaro Tamai et Marciano Miranda gisent au sol, l’un sur le dos, l’autre sur le ventre et la tête dans la boue, agonisant tous les deux au pied de la grande roue de la fête foraine installée près de leur village du nord de l’Argentine.

Comment ces deux jeunes autrefois inséparables en sont-il arrivés là? C’est ce que Selva Almada s’attache à démontrer tout au long de ce court mais non moins intense roman. Au moyen de chapitres courts, d’une écriture directe, parfois crue, et d’une trame narrative non linéaire oscillant entre passé et présent, entre réalisme brut et touches de magie liées aux divagations des deux blessés, elle remonte aux sources du drame en faisant défiler la courte vie de Pajarito et Marciano ainsi que celle de leurs pères avant eux.

Sous la grande roue est une plongée dans l’Argentine profonde, une immersion très visuelle et réaliste au sein d’une petite communauté rurale marquée par la pauvreté, rongée par le machisme, l’alcool et la violence. Dans ce village vivotent notamment les deux voisins et modestes briquetiers Oscar Tamai et Elvio Miranda. Leur vie se résume à travailler (un peu), à boire et à jouer (beaucoup) et à entretenir bêtement leur haine réciproque et le conflit qui les sépare depuis des années, le tout en laissant sans états d’âmes leurs épouses se débrouiller seules pour gérer les enfants, les finances et trouver une solution aux innombrables problèmes de leur quotidien.

En s’intéressant à une histoire d’amitié qui dégénère pour se transformer en quelque chose qui se rapproche de la haine que se vouaient leurs pères avant eux, Selva Almada questionne la transmission filiale et la reproduction des schémas familiaux. Elle dénonce par ailleurs le machisme et la violence multiforme à l’égard des femmes, que ce soit au sein du couple ou dans la société en général. Enfin, en s’appuyant sur le parcours de Celina et Estela, les mères de Pajarito et Marciano, qui ont toujours refusé de prendre part au conflit insensé opposant leurs maris, elle met en avant le courage de ces femmes et mères déterminées à s’en sortir malgré un environnement défavorable et chargé de violence.

Une très bonne découverte.

Note : 4 sur 5.
Métailié, 191 pages, mars 2019.

Ladrilleros (2013)
Trad. Laura Alcoba

© Dom Carver Pixabay

En Amérique latine avec Ingannmic et Goran!

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