Deuxième lecture dans le cadre du Prix littéraire Gonet et encore une belle découverte!
Avec L’envol des milans (2021), la romancière et journaliste franco-suisse Kyra Dupont Troubetzkoy (1971) signe un cinquième roman intimiste à la portée universelle dans lequel elle explore avec beaucoup d’acuité le mal-être maternel et familial résultant du départ d’un enfant de la maison.
Lorsque Thomas, son aîné de vingt-trois ans, prend son envol et quitte la maison parentale dans la périphérie de Genève pour poursuivre ses études à l’autre bout de la Suisse, Jeanne s’effondre. Pétrifiée, terrifiée, à l’idée de devoir désormais vivre au quotidien sans le « trésor de sa vie », elle ne (sur)vit plus que difficilement avec le sentiment qu’on l’a privée d’un « morceau d’elle », qu’on lui a arraché « au corps son fils merveilleux. »
Malgré la présence de Mia, sa cadette de dix-sept ans, et celle de son mari Arthur, le manque de Thomas est insupportable et Jeanne sent « son être se fracasser sur le mur du vide ». Elle coule, engloutie par un trop plein d’émotions, et sombre dans une spirale infernale.
« Jeanne avait mis au monde l’origine de sa plus grande souffrance, son fils parfait, tout-puissant, immortel et magique et elle en était inconsolable, morte à elle-même. »
Au fil des pages, une terrible et triste réalité se fait jour. Désespérément vide et aveuglée par sa douleur, Jeanne ne voit pas ce qui se trame autour d’elle. Sa famille et son couple partent en vrille. Le climat et l’ambiance se détériorent, la situation s’envenime. Jusqu’au drame.
L’envol des milans est porté par une belle écriture et un rythme narratif très habile donnant l’impression de reproduire l’état d’esprit de Jeanne. Les phrases de Kyra Dupont Troubetzkoy, souvent courtes et percutantes, s’enchaînent parfois très rapidement et semblent traduire un certain sentiment d’urgence lié au désarroi et au désespoir maternels. L’autrice analyse par ailleurs avec finesse non seulement la déchéance et la perte de contrôle d’une femme qui s’est oubliée dans son rôle de mère et a sacrifié sans ciller sa vie entière pour ses enfants mais également les terribles conséquences de son profond mal-être sur les autres membres de la famille.
« Penser à soi, c’est aussi libérer les autres. »

Photo © Pixabay
Merci pour votre chronique, j’apprécie.
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Tu me donnes très envie de le lire !
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Beau billet… mais j’ai quand même du mal avec ce thème (surtout que la mère doit être aux abonnés absents avec sa fille de 17 ans), trop loin de moi pour que j’en imagine la vraisemblance.
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Je comprends! Le roman dépeint effectivement une situation extrême dans une famille dysfonctionnelle. Aucune identification possible pour moi non plus mais j’ai malgré tout apprécié la fiction.
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Comme Brize, je n’arriverais pas à ressentir d’empathie pour cette mère. Soit elle est malade, dépressive, et je peux comprendre, soit elle n’a qu’à se ressaisir ! 😉
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J’ai aimé le roman même si je n’ai ressenti aucune empathie pour Jeanne qui m’a par moments fortement agacée. Elle n’est effectivement pas au meilleur de sa forme.
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Un peu comme mes « consœurs », je crains de me sentir vraiment éloignée de l’état d’esprit de l’héroïne (même si l’un des intérêts de la lecture est de se confronter à des différences de ressentis ou de points de vue)…
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Difficile de s’identifier et de ressentir de l’empathie pour Jeanne en effet, elle est agaçante au possible! Pourtant j’ai aimé la proposition faite par l’autrice qui a choisi de relater une situation extrême.
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