Le choix · Viola Ardone

Le Train des enfants (2021) de la romancière italienne Viola Ardone ayant été un grand coup de coeur en janvier 2021, je me suis précipitée sur son nouveau roman sans même lire la quatrième de couverture!

Viola Ardone (1974) signe avec Le choix (2022) un roman d’émancipation poignant dans lequel elle se penche sur la difficile condition des femmes dans la Sicile des années soixante à travers le cheminement vers la liberté d’une jeune fille que rien ne prédestinait à se rebeller contre une loi ancestrale inique.

A Martorana en 1960, il ne fait pas bon être une fille. Oliva Denaro en est bien consciente: alors que son frère jumeau jouit d’une liberté dont elle ne peut que rêver, la jeune fille de quinze ans n’a d’autre choix que celui de baisser les yeux, se taire et filer droit. Depuis qu’elle « a le cardinal », la gamine ébouriffée chaussée de sabots qui aimait par-dessus tout courir, chasser les escargots avec son père et viser avec son lance-pierre ceux qui se moquaient de son ami Saro, a changé de statut malgré elle. Epiée et jugée en permanence, elle doit se résoudre la mort dans l’âme à passer ses vacances d’été enfermée chez elle pour y broder des trousseaux de mariage et attendre que quelqu’un veuille bien lui demander sa main.

« La femme au singulier n’existe pas. »

Son nouveau monde, un univers rigide et étriqué réglementé par une multitude d’injonctions et de règles morales très strictes inculquées par sa mère, se décline en « pour » et « contre » et se résume désormais aux murs de la maison parentale. Malgré son intelligence et son goût pour les études son avenir est déjà tracé. Elevée dans la croyance qu’une femme sans mari ne vaut rien, elle sait pertinemment que le jour où elle devra se soumettre à un mari -choisi par sa famille- est proche. Jamais elle n’a pu et jamais elle ne pourra décider par et pour elle-même. Jusqu’au jour où l’impensable se produit. Elle choisit alors, contre toute attente, de dire non et de s’opposer avec toute la fermeté et la dignité possibles à ce que la société attend d’elle. Au risque de tout perdre.

« A la place des tables de multiplication et des verbes irréguliers, on aurait dû nous apprendre à dire non, parce que dire oui les filles l’apprennent dès leur naissance. »

Comme dans Le Train des enfants dont la structure narrative est identique, Viola Ardone s’est inspirée de faits réels pour mettre en exergue un pan méconnu de l’histoire italienne. A travers le cheminement d’Oliva, elle revient sur une loi révoltante qui n’a été abrogée en Italie qu’en 1981 mais qui subsiste à ce jour malheureusement encore dans de nombreux pays.

A travers Oliva, elle raconte l’invisibilité, la soumission et l’oppression des femmes. Elle dit la pression qu’elles subissent au quotidien: avant le mariage par les mères qui veulent empêcher à tout prix qu’elles ne deviennent « une carafe cassée », après le mariage par les maris qui s’érigent en maîtres absolus et leur dénient leurs droits les plus élémentaires. Etre abîmées ou emmurées, voilà à peu de choses près le choix qui est offert aux jeunes femmes dans la Sicile des années soixante.

A travers Oliva, elle raconte la fin brutale de l’innocence, la pression sociale, la prise de conscience de l’iniquité crasse d’une loi ancestrale puis, enfin, le refus de plier et la nécessité de se relever et de dire non. A travers Oliva, elle raconte le courage immense nécessaire pour oser dénoncer l’extrême violence malgré la peur, la honte et l’ignorance, pour oser défier le patriarcat, ses lois et ses coutumes archaïques et enfin pour oser réclamer que justice soit faite.

A découvrir.

Note : 4 sur 5.
Albin Michel, août 2022, 385 pages.

Oliva Denaro (2021)
Trad. Laura Brignon

Une réflexion sur “Le choix · Viola Ardone”

  1. Vraiment très intéressant et très tentant. J’ai l’impression que la littérature italienne contemporaine est bien vivante en ce moment, et c’est une bonne nouvelle !

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