Point de fuite · Elizabeth Brundage

Si Dans les angles morts (2016) figurait depuis longtemps sur ma wishlist, c’est avec Point de fuite (2022), son deuxième roman traduit en français, que j’ai finalement découvert la plume et l’univers d’Elizabeth Brundage.

Dans ce roman aux apparences trompeuses et à la dimension psychologique très présente, l’autrice américaine nous plonge dans l’intimité de deux couples et, à travers eux, brosse un portrait sans concession d’une société américaine à la dérive.

Elizabeth Brundage structure sa narration et déroule son intrigue avec beaucoup d’habileté en usant de méthodes propres à l’art de la photographie. Point de fuite débute avec l’annonce de la mort d’un photographe émérite. A l’image du point de fuite qui permet aux photographes d’attirer et de fixer le regard sur un point précis situé à l’horizon, cette disparition sert d’élément déclencheur au roman et permet à l’autrice de remonter le passé et de faire converger progressivement dans le présent le destin de plusieurs personnages ayant gravité autour du disparu vingt ans plus tôt.

En alternant passé et présent ainsi que les points de vue de ces personnages aujourd’hui réunis malgré eux autour de leur ancien ami, Elizabeth Brundage dévoile progressivement certains éléments cruciaux de leur vie mouvementée. Il devient rapidement évident que les apparences sont trompeuses. Au fil des chapitres, une mise au point se fait, les images deviennent plus nettes, révélant au grand jour les fêlures des uns et des autres et certains de leurs secrets les plus vils.

« Tu sais pourquoi j’ai voulu devenir photographe? [ …] Parce que je croyais en la vérité. La vérité comme concept. Comme droit politique. La vérité est le fondement de notre liberté. »

A travers ses cinq protagonistes dont elle décortique successivement et avec minutie la vie et les sentiments, Elizabeth Brundage se livre à une critique sévère de la société américaine, une société du paraître superficielle gangrenée par le consumérisme à outrance, aveuglée par le culte de l’apparence et obnubilée par la course à la réussite à tout prix.

Ses personnages se révèlent ainsi tous hautement imparfaits et, à un degré plus ou moins important, globalement insatisfaits de leur vie. Souffrant pour certains d’un véritable désespoir existentiel, ils se cherchent et commettent une série d’erreurs dont certaines ont des conséquences désastreuses. Il est question de solitude et d’abandon mais également et peut-être surtout d’égoïsme et d’une jalousie féroce exacerbée par un esprit de compétition démesuré.

Porté par une écriture et une construction maîtrisées, une tension montant crescendo, une solide analyse psychologique et une critique sociétale sévère mais pertinente, Point de fuite est un très bon roman noir qui m’a happée du début à la fin.

Note : 4 sur 5.

N.B. Bonne nouvelle : Dans les angles morts a entretemps rejoint mes étagères!

La Table ronde, août 2022, 368 pages.

The Vanishing Point (2021)
Trad. Cécile Arnaud

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