A Dieu vat · Jean-Michel Guenassia

De Jean-Michel Guenassia je n’avais lu que Le club des incorrigibles optimistes (2009). Son dernier roman, A Dieu vat (2023), fut l’un des quatre romans de la rentrée littéraire qui me tentaient le plus. Et ce fut une très bonne lecture.

Avec A Dieu vat, Jean-Michel Guenassia (1950) signe un roman sociétal captivant dans lequel il revient sur quatre décennies d’histoire française à travers le destin de quatre jeunes nés en 1928.

Après une première partie dans laquelle il raconte Irène et Georges, depuis leur rencontre en 1924 lors d’une soirée dansante sur les bords de la Marne jusqu’aux premières années de leur mariage quelque peu bancal, le roman se focalise sur la jeune génération. Sur Arlène, leur fille aînée, et sur son amitié improbable avec Daniel, Thomas et Marie -tous trois issus de la haute société de Saint-Maur- qu’elle fréquentera intimement de longues années durant avant que la vie ne les sépare.

Arlène, la fille de la couturière. Arlène qui malgré sa condition sociale très modeste marquera durablement Daniel, Thomas et Marie et sera un membre à part entière du quatuor de Saint-Maur. Quatre enfants inséparables devenus des adolescents puis de jeunes adultes qui s’aiment, se déchirent, se trahissent et se quittent pour prendre chacun leur chemin et tenter de faire face à leurs traumatismes. Des enfants que nous suivons de Saint-Maur à Dinar puis en Algérie, au gré de certains événements majeurs qui ont marqué l’histoire du XXème siècle: Deuxième guerre mondiale, guerre d’Indochine ou encore guerre d’Algérie.

Parallèlement à ces événements historiques évoqués de façon différente selon les préoccupations et l’âge du quatuor au moment des faits, Guenassia revient également sur la situation socio-politique en France au lendemain de la Deuxième guerre mondiale. A travers le destin hors du commun d’Arlène, une femme volontaire en avance sur son temps, il évoque les inégalités sociales et les nombreuses injustices liées au genre.

« Je n’ai pas envie de faire un boulot idiot uniquement pour ne pas mourir de faim, je veux pouvoir choisir, tu comprends? Et décider de ce que sera ma vie. »

Arlène se démarque nettement de Daniel, Thomas ou encore Marie, en raison de sa condition sociale modeste certes mais également et surtout en raison de sa détermination sans faille, une détermination qui la porte et la pousse à s’opposer de toutes ses forces à l’avenir qui semble tout tracé pour elle. Doublement désavantagée en tant que femme issue d’une famille pauvre, elle se heurte de plein fouet aux conventions sociales. Mais Arlène est une jeune femme brillante, une scientifique très douée qui ne rêve que d’une seule chose: devenir ingénieur dans l’industrie. Et ce malgré le fait qu’à cette époque moins de 1% de femmes soient ingénieurs en France et que toutes les portes d’accès vers une formation supérieure leur soient systématiquement fermées. Mais Arlène refuse de devenir une énième prof de maths ou de physique. Ingénieur elle veut être, ingénieur elle sera!

A travers son parcours personnel et professionnel semé d’embûches, Guenassia revient sur le développement du programme nucléaire français, la création de la bombe atomique, les nombreux essais menés dans le Sahara algérien par la France dans les années soixante (y compris après l’Indépendance de l’Algérie) et enfin sur le scandale lié à la contamination des villageois de la région, jugés comme quantité négligeable par la classe dirigeante de l’époque.

Un roman de près de cinq cents pages passionnant que j’ai lu avec beaucoup de plaisir!

Note : 4 sur 5.
Albin Michel, septembre 2023, 490 pages.


Photo © Véronique R, Pixabay

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