L’Impératrice de Pierre (II) · Kristina Sabaliauskaité

Après avoir lu et beaucoup apprécié le premier volet de L’Impératrice de Pierre en mars 2023, je me réjouissais de lire la suite et fin du destin hors du commun de celle qui deviendra la première impératrice de Russie.

Dans ce roman historique en deux volets, l’historienne de l’art et ancienne journaliste lituanienne Kristina Sabaliauskaité (1974) retrace, à la première personne du singulier, la vie de Catherine I (1684-1727), « la Cendrillon du XVIII ème siècle ». L’Impératrice de Pierre se déroule sur vingt-quatre heures et s’articule autour de vingt-quatre chapitres, chaque chapitre représentant une heure rapprochant Catherine de sa mort. Le premier volet débutait à vingt et une heures, le second douze heures plus tard. L’impératrice a survécu à la nuit mais va de mal en pis. Elle continue, tant bien que mal, de se remémorer sa vie.

Le premier tome fut consacré aux premières années difficiles de la vie de celle qui fut une orpheline, une servante et une prisonnière de guerre lituanienne avant de devenir Catherine I, à son incroyable ascension sociale jusqu’à la cour de Pierre I et à sa vie en tant que favorite puis épouse du tsar. Le second volet se penche sur la vie quotidienne non moins difficile de Catherine à la cour, ses nombreux impératifs en tant que tsarine mais également et surtout sur sa vie d’épouse d’un homme tout puissant, certes très cultivé et désireux de moderniser la Russie mais également violent, gravement alcoolique et sévèrement perturbé psychologiquement.

Kristina Sabaliauskaité évoque les grossesses à répétition de Catherine, le décès de ses enfants, sa position somme toute fragile, le climat de débauche régnant à la cour et les fréquentes orgies de vodka qui détruisent le tsar et altèrent sa psyché. La brute épaisse qu’est devenu Pierre trompe sa femme avec tout ce qui bouge ou presque, l’insulte, l’humilie et la gifle mais finit tout de même toujours par trouver le réconfort auprès d’elle.

« Plus on vit, plus on s’élève et plus la chute est dure ». Catherine ne trouve jamais de répit et se doit d’être toujours aux aguets, d’une part en raison de la violence et la paranoïa de Pierre et d’autre part en raison de son origine étrangère et son ancienne condition de prisonnière de guerre qui ne lui confèrent guère le respect de la cour.

…. je ne voulais plus résister, j’avais compris que je n’y pouvais rien. Cela signifiait peut-être que la Russie était devenue une part de moi, et moi d’elle. Peut-être m’étais-je habituée à la Russie, comme on s’habitue à une maladie ou à une difformité, ni dangereuse ni mortelle, avoir les yeux qui louchent par exemple. A force de loucher, je m’étais peut-être habituée à ne plus voir ce que je ne pouvais changer. L’âme était peut-être capable de loucher elle aussi. Ou peut-être étions-nous simplement les détenus de Peter, et les détenus ne changent pas les règles de la prison.

A travers le regard de Catherine et ses fréquents et très longs voyages éreintants à travers toute l’Europe en compagnie du tsar, Kristina Sabaliauskaité nous offre par ailleurs une autre perspective historique, un regard féminin et étranger (rappelons que Catherine est d’origine lituanienne) sur l’histoire russe du début du XVIII ème siècle.

Au niveau international, il est ainsi question des dernières années de la Grande Guerre du Nord (1700-1721) ayant opposé la Russie à la Suède et à l’issue de laquelle Pierre I fut couronné empereur. L’autrice décrit notamment la terrible image que laissaient le tsar et ses ambassadeurs auprès de leurs alliés (les beuveries à n’en plus finir et la destruction des palais dans lesquels ils étaient logés notamment) et la terreur que faisait régner une armée russe forte de plusieurs dizaines de milliers d’hommes torturant, violant et saccageant tout sur leur passage.

« La Russie était son Dieu: le commencement, la fin et les moyens, la raison de tout. »

Au niveau national, les tentatives du tsar de moderniser la Russie malgré le vol, la fraude et la corruption généralisée à tous les échelons du pouvoir justifiaient la pire cruauté. Intimement persuadé que son autorité de tsar lui était conférée par Dieu, toutes ses décisions, y compris les pires, étaient prises en son nom et la barbarie s’abattait alors sur ceux qui avaient, même de façon insignifiante, osé s’opposer à lui.

Malgré l’atmosphère de débauche et de barbarie, L’Impératrice de Pierre est un roman historique captivant, instructif et très bien documenté tout en restant très accessible. A conseiller aux amateurs du genre!

Note : 4 sur 5.
La Table ronde, novembre 2023, 378 pages.

Petro Imperatore (2021)
Traduit du lituanien
par Marielle Vitureau



Photo © Pixabay

4 commentaires sur “L’Impératrice de Pierre (II) · Kristina Sabaliauskaité”

  1. Le premier tome est encore dans ma liste à lire, il est très emprunté en médiathèque et je n’ai pas réussi à l’obtenir pour l’instant. Je réussirai peut-être à enchaîner les deux si je suis patiente 😁

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