Tremble la nuit · Nadia Terranova

Les romancières italiennes et moi, vous commencez à connaître la chanson… Je n’avais pas encore lu l’autrice sicilienne Nadia Terranova, ma curiosité était donc piquée d’autant plus que son dernier roman se déroule simultanément en Sicile et en Calabre, deux belles régions que j’ai en partie visitées en octobre 2022 et octobre 2023.

Avec Tremble la nuit (2024), son troisième roman après Les années à rebours (2015) et Adieu fantômes (2019), Nadia Terranova (1978) signe un beau roman d’apprentissage se déroulant dans une Italie du sud détruite par un séisme de très grande ampleur.

En cette fin d’année 1908 à Reggio de Calabre, Nicola Fera, onze ans, fils d’un parfumeur renommé à travers toute l’Italie, vit sous la coupe d’une mère à l’amour maladivement excessif. Obnubilée jusqu’à l’obsession par la religion, cette femme frisant la folie fait dormir son fils dans le sous-sol de la maison où elle l’attache toutes les nuits à son lit pour éviter qu’il ne soit emporté par le diable.

De l’autre côté du détroit dans la province de Messine, Barbara Ruello en a assez de se soumettre aux conventions sociales et de passer à côté de sa vie dans un village qui n’a strictement rien à lui offrir si ce n’est un mariage imposé avec un homme laid et stupide dont elle ne veut pas. Du haut de ses vingt ans et à la faveur d’une nouvelle excursion à Messine, celle qui a survécu au décès de sa mère, à une jeunesse tout sauf palpitante et au froid des hivers grâce au pouvoir des livres, se décide à affronter son père en lui annonçant que non seulement elle refuse ce mariage mais qu’elle ne reviendra pas au village à la fin de la journée. C’est ainsi qu’elle s’installe chez sa grand-mère à Messine et, mue par son immense souhait d’étudier et d’écrire un livre, commence à se faufiler discrètement sur les bancs de l’université pour assister à certains cours.

Lorsqu’au petit matin du 28 décembre 1908 la terre tremble des deux côtés du détroit de Messine, la vie de Nicola et Barbara prend une tournure aussi inattendue que tragique. Reggio de Calabre et Messine sont entièrement détruites et des milliers de victimes sont à déplorer mais Barbara et Nicola en réchappent miraculeusement. Totalement seuls, ils doivent dès lors apprendre à survivre et se reconstruire.

Dans ce roman initiatique se déclinant autour des arcanes du tarot divinatoire, Nadia Terranova raconte les errements de deux jeunes personnages évoluant de chaque côté du détroit mais dont le destin est inévitablement lié par la tragédie. Elle dit leur douleur, leur vulnérabilité, leur peur et leur solitude, infinies. En explorant les nouvelles possibilités qui leur sont malgré tout offertes après le séisme, elle dit la reconstruction et la résilience, enfin.

Si j’ai beaucoup apprécié l’élégance de l’écriture de Nadia Terranova grâce à la très belle traduction de Romane Lafore, j’ai regretté que le roman soit si court. Une centaine de pages en plus n’aurait pas été de trop tant j’ai été séduite par la prose de l’autrice -une prose se prêtant parfaitement à l’ambiance surannée du début de vingtième siècle-, et touchée par le destin tragique des deux personnages principaux.

Note : 4 sur 5.
La Table Ronde, février 2024, 185 pages.

Trema la notte (2022)
Traduit de l’italien
par Romane Lafore


© alessandro tripodi, Pixabay

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