Ainsi pleurent nos hommes · Dominique Celis

J’avais très envie de lire ce premier roman depuis sa parution il y a deux ans. Malheureusement et à mon grand regret, je ressors de cette lecture avec un avis plutôt mitigé.

Tout comme Dominique Celis, la narratrice de Ainsi pleurent nos hommes (2022) est née dans la région des Grands Lacs d’une mère rwandaise et d’un père belge, a passé son enfance au Rwanda, son adolescence en République démocratique du Congo et de longues années en Belgique avant de rentrer s’installer au Rwanda en 2013. Le pays des mille collines est alors en pleine reconstruction et n’a plus rien de celui qu’elle a quitté après le génocide qui a décimé des centaines de milliers de Tutsi dont une partie de sa famille.

Dans ce roman au style atypique qui se veut un roman épistolaire mais semble relever davantage d’un journal intime, Erika s’adresse à sa soeur aînée Lawurensiya qui vit quelque part en Françafrique et refuse depuis trente ans de remettre ne serait-ce qu’un pied au Rwanda. Tout au long de l’année 2018, Erika lui écrit de nombreuses lettres dans lesquelles elle lui décrit tour et à tour et de façon parfois un peu désordonnée son quotidien à Kigali, son histoire d’amour et son insupportable rupture avec Vincent, un soldat de l’armée de libération et un rescapé comme elle, les nombreux traumatismes liés au génocide -les siens et ceux des rescapés- et enfin sa profonde révolte contre l’injonction qu’il faut oublier et « tourner la page » au nom de la réconciliation nationale. Qu’en est-il en effet des traumatismes, des blessures physiques et psychologiques tellement profondes qu’elles n’ont jamais pu cicatriser? Et que dire de cette justice lacunaire et de l’impunité crasse dont jouissent certains génocidaires? Si elle occupe un bon poste en tant qu’historienne de l’art à Kigali, est aimée et entourée de véritables amis devenus au fil du temps sa famille de substitution, Erika est dévastée par sa rupture et se perd un peu plus chaque jour dans les cigarettes, l’alcool et le sexe.

Ainsi pleurent nos hommes est un roman dense et riche, un cri de rage et de désespoir, un texte nécessaire et fort qui ne peut laisser indifférent mais qui malgré tout ne m’a pas réellement convaincue. La raison principale est liée au style épistolaire atypique et tout sauf uniforme auquel recourt l’autrice. Dominique Celis use notamment à la fois de nombreux dialogues, des phrases classiques, des phrases très courtes et des vers libres tout en privilégiant largement le langage oral. Le roman est par ailleurs truffé de (trop) nombreuses expressions en kinya qui, bien qu’ajoutant une dimension très réaliste au texte, le rendent parfois un peu indigeste. Les personnages, enfin, sont bien trop nombreux et manquent de ce fait malheureusement de profondeur.

Note : 2.5 sur 5.
Philippe Rey, août 2022
281 pages



© Kudra Abdulaziz, Pixabay

3ème lecture pour
« Cent jours au Pays des mille collines »

Lecture de romans épistolaires chez Et si on bouquinait un peu? et Madame lit

13 commentaires sur “Ainsi pleurent nos hommes · Dominique Celis”

  1. Décidément le roman épistolaire n’est pas un genre facile ! Ajouté à une toile de fond compliquée, je comprends qu’on puisse passer à côté de ce livre.

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  2. Tout d’abord, je te remercie pour ta participation à notre lecture de romans épistolaires. Dommage si ce livre a été une lecture mitigée. Il possédait cependant tous les ingrédients pour stimuler l’intérêt de l’instance lectrice (moments historiques marquants, relation entre deux soeurs, amour, etc. ). Vite une prochaine lecture !

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  3. Dommage, c’était en effet plutôt prometteur, mais la forme épistolaire semble avoir desservi le fond. Bon, ça te fait quand même un beau doublé.

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