Je clôture aujourd’hui le rendez-vous autour de la commémoration des trente ans du génocide des Tutsi du Rwanda avec un roman graphique inspiré de la vie d’un couple franco-rwandais qui, depuis trente ans, traque inlassablement les génocidaires rwandais réfugiés en France.
Rwanda, à la poursuite des génocidaires (2023) du journaliste, rédacteur et producteur français Thomas Zribi (1978) et du dessinateur et graphiste Damien Roudeau (1981) revient sur le combat d’Alain et Dafroza Gauthier tout en rappelant dans les grandes lignes l’histoire du Rwanda depuis la Conférence de Berlin en 1885 jusqu’aux divers événements ayant conduit au génocide.

Quelques semaines à peine avant le début du génocide en avril 1994, Dafroza Gauthier rend visite à sa mère au Rwanda. La tension est déjà telle que pressée par cette dernière de quitter le pays au plus vite pour retrouver son mari et leurs trois enfants restés en France, elle se résigne à avancer la date de son voyage de retour sans toutefois réussir à emmener sa famille avec elle. C’est la dernière fois qu’elle voit sa mère. Toute sa famille est massacrée quelques semaines plus tard.
Lorsque Alain et Dafroza Gauthier réalisent que de nombreux génocidaires ont non seulement réussi à échapper à la justice rwandaise mais se sont réfugiés en France où ils vivent dans l’impunité la plus totale, ils décident d’agir et se lancent dans ce qui deviendra le combat de toute leur vie : traquer les génocidaires réfugiés sur le sol français et faire en sorte qu’ils soient jugés. Pour ce faire, ils créent le CPCR, le Collectif des parties civiles pour le Rwanda (https://www.collectifpartiescivilesrwanda.fr/).
Dès lors, ils se rendent plusieurs fois par an au Rwanda pour enquêter, recueillir les témoignages des rescapés et essayer de les convaincre de se constituer partie civile lors des procès. Bien qu’ils se heurtent à de nombreux obstacles, au Rwanda comme en France, Alain et Dafroza Gauthier ne baissent jamais les bras. La France refuse en effet notamment d’extrader les génocidaires vers le Rwanda alors que sa justice est extrêmement lente à instruire les plaintes. Ainsi, comme l’explique Gaël Faye dans la préface de Rwanda, à la poursuite des génocidaires, sur les trente-cinq plaintes déposées en trente ans par le CPCR, seuls cinq procès ont eu lieu.
Les auteurs rappellent par ailleurs le double jeu qu’a joué la France avant et pendant le génocide en soutenant activement le régime hutu et évoquent la parution du rapport Duclert, un document de 1200 pages rédigé par une commission d’experts et remis en 2021 à Emmanuel Macron, qui entérine et établit officiellement « un ensemble de responsabilités lourdes et accablantes » de la France dans le génocide. Ce rapport semblerait avoir changé la perception du rôle de la France dans le génocide. Un signe encourageant pour le combat d’Alain et Dafroza Gauthier? On ne peut que l’espérer du fond du coeur.

Photo © jambonews.net

Quel combat courageux ! J’imagine qu’ils subissent des pressions car beaucoup n’ont pas envie de remuer le passé. Pourtant, on voit bien que si la justice n’est pas rendue, aussi imparfaite soit-elle, les blessures sont encore plus douloureuses et surtout, il y a cette insupportable impunité…
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Heureusement qu’il y a des gens engagés et courageux comme ce couple !
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c’est incroyable de n’avoir pas plus tôt révéler le rôle de la France et le combat de ces auteurs me rappelle les difficultés à juger les anciens Nazis
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J’aime beaucoup ce genre de BD qui rendent accessible un sujet qui peut l’être plus difficilement en non-fiction ou en roman. C’est très exactement ce type d’ouvrages que j’aurais aimé trouver à la bibli pour ton challenge. Peut-être que ça finira par y arriver…
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