Septième titre sélectionné par le Comité du Prix du Festival du LàC, Le Stradivarius de Goebbels (2021) est un roman biographique original et intéressant entremêlant habilement histoire et culture.
Ce premier roman de l’auteur français Yoann Iacono (1980) repose sur une importante documentation ayant nécessité plusieurs années de recherches en France, en Allemagne, aux Etats-Unis et au Japon. Malgré la présence d’un narrateur s’exprimant à la première personne et la mise en place d’une intrigue secondaire parallèle, Le Stradivarius de Goebbels relève davantage du récit documentaire que du roman. Mais ce ne fut pas pour me déplaire, au contraire.
L’histoire débute en février 1943 à Berlin avec une réception lors de laquelle Joseph Goebbels, alors ministre de l’Education du Peuple et de la Propagande du Reich, offre un violon d’une très grande valeur à la jeune virtuose japonaise Nejiko Suwa (1920-2012). Il s’agit d’une cérémonie et d’un don éminemment politiques visant à cimenter l’alliance entre l’Allemagne nazie et le Japon impérial.

(© wikipedia)
Partant de cet événement, le narrateur Félix Sutterlin fait de fréquents allers-retours entre passé et présent pour remonter la vie de celle qu’il a traquée en vain pendant plusieurs années. Trompettiste de jazz et ancien membre de la brigade de musique des Gardiens de la Paix de Paris, il a en effet été chargé par les autorités françaises d’après-guerre d’enquêter sur le violon volé à Lazare Braun, un musicien juif français déporté et assassiné par les nazis.
Grâce aux carnets que lui a fait parvenir la violoniste désormais octogénaire, il raconte sa vie depuis son enfance au Japon jusqu’à son départ forcé pour les Etats-Unis en passant par son éveil à la musique classique et sa formation avec sa tante russe, son départ pour l’Europe et ses années de perfectionnement à Paris.
En se positionnant du côté des pays de l’Axe et à travers le prisme original de la musique, Yoann Iacono rappelle les liens idéologiques très forts existant pendant la Deuxième Guerre mondiale entre l’Allemagne nazie et le Japon impérial, dénonce la spoliation des instruments de musique des Juifs et aborde la dimension politique de la culture, tant au niveau étatique qu’individuel.
Ce dernier point m’a particulièrement interpellée, surtout lorsque l’on se penche un peu sur la personnalité de Nejiko Suwa. Alors qu’elle est soliste attitrée de l’orchestre philarmonique de Berlin et se produit dans tous les pays en guerre sous la direction de chefs d’orchestres non conformistes et ouvertement opposés au nazisme, Nejiko Suwa semble, elle, évoluer dans un monde parallèle. Totalement obnubilée par son violon qu’elle ne parvient pas à apprivoiser, elle semble déconnectée de la réalité, inconsciente des abominations commises par ceux qui l’ont portée aux nues.
Si j’ai beaucoup aimé la façon dont Yoann Iacono a fait rimer la culture avec la politique et l’Histoire, certains points auraient mérités d’être davantage approfondis. Il n’en reste pas moins que j’ai passé avec Le Stradivarius de Goebbels un très bon moment de lecture.

© Photo Leonid Portnoy
Intéressant et original ! Au vu du titre, je ne pensais pas à d’aussi nombreux thèmes, merci pour la découverte !
J’aimeAimé par 1 personne
Je pensais que l’auteur insisterait plus sur le côté « mémoire et âme du violon », j’ai donc été agréablement surprise par la dimension historique (le côté « ésotérique » m’aurait moins emballée).
J’aimeJ’aime
je n’en ai pas du tout parlé mais si je le croise à la BM cet été et je sais que mon beau-père voudra aussi le lire !
J’aimeAimé par 1 personne
N’hésite pas, c’est une bonne lecture.
J’aimeJ’aime
je l’avais noté mais le côté documentaire me gênait un peu mais il reste quand même dans ma PAL pour les moments où je serai plus motivée…
J’aimeJ’aime
Il se lit vraiment très bien mais je comprends ta réticence.
J’aimeAimé par 1 personne