Le détroit du Loup · Olivier Truc

Quelques années après Le dernier Lapon (2012) que j’avais savouré lors de mon voyage en Laponie suédoise en 2018, je renoue enfin avec la Laponie norvégienne et la police des rennes.

La police des rennes que le journaliste et romancier français Olivier Truc (1964) met à l’honneur dans sa série de polars se déroulant en Laponie norvégienne a été créée en Norvège en 1949 dans le but de régler les conflits en lien avec l’élevage des rennes.

« En 1888, six familles d’éleveurs passaient l’été sur Kvaløya, avec six milles rennes. Six mille rennes! Contre tout au plus deux mille aujourd’hui. Toujours pour six familles. Et les gens d’ici se plaignent que c’est encore trop. Mais qu’est-ce qu’ils veulent à la fin !? »

Dans ce deuxième volet de sa série qui en compte quatre, Olivier Truc se penche sur l’industrialisation du Grand Nord et ses conséquences néfastes sur l’environnement et le mode de vie traditionnel des éleveurs samis.

Dans l’extrême nord de la Norvège, la petite ville de Hammerfest s’est transformée en profondeur depuis que la mer de Barents et l’Arctique ont été estampillées « Nouvel eldorado des hydrocarbures ». En raison de l’implantation dans la région de plusieurs compagnies pétrolières internationales appâtées par les promesses d’une importante manne financière, la population de Hammerfest a explosé pour atteindre dix milles habitants. La crise du logement, l’apparition de la prostitution et les dérapages xénophobes venant du parti populaire anti-immigrés qui en ont résulté ont bouleversé le tissu social de la petite ville. Par ailleurs dans la région, la cohabitation entre les éleveurs de rennes samis et les promoteurs du « futur Dubai de l’Arctique » devient de plus en plus difficile, particulièrement pendant la période de transhumance.

« Tu auras beau entendre tous les plus beaux discours sur le respect des peuples indigènes, sur la minorité sami et ses droits inaliénables, quand tout ça se heurte au développement des industriels, on passe à la trappe. »

Le parlement norvégien ayant officiellement désigné Hammerfest pour être la base d’accueil des activités d’exploration et de production du pétrole et du gaz en mer de Barents, les éleveurs samis subissent une grande pression car ils ont de moins en moins de terres à disposition pour leurs rennes.

C’est dans ce contexte social et économique très tendu que survient la mort d’un jeune éleveur sami alors qu’il tente de sauver de la noyade les rennes qui traversaient à la nage le détroit du Loup. D’autres morts étranges se succèdent, à commencer par celle du maire de Hammerfest, retrouvé mort près d’un rocher sacré en territoire sami. Notre duo de la patrouille P9 de la police des rennes, Klemet Nango et Nina Hansen, est appelé en renfort.

Avec Le détroit du Loup (2014), Olivier Truc nous plonge une nouvelle fois de façon très réaliste et immersive dans la vie quotidienne sur le vidda. Ce deuxième volet débute quelques mois après Le dernier Lapon et se déroule entre avril et mai, en pleine période de transhumance. Les préoccupations des éleveurs samis entrent en conflit notamment avec celles du maire qui n’accepte pas de voir des rennes se promener dans sa ville, tout obnubilé qu’il est par les retombées financières liées à divers marchés immobiliers. Il est également question de la plongée industrielle en mer de Barents, une pratique non dénuée de grands risques pour la santé des plongeurs financée par une industrie pétrolière sans scrupules.

Un polar foisonnant, intéressant et instructif.

Note : 4 sur 5.
Le détroit du Loup, Olivier Truc.

Laponie norvégienne, culture sami.
Points, septembre 2015, 521 pages.

Photo © Pixabay

Lu dans le cadre de l’année thématique « Lire (sur) les minorités ethniques » proposée par Ingannmic

8 réflexions au sujet de “Le détroit du Loup · Olivier Truc”

  1. Il semble en effet très riche, et aborder de nombreuses thématiques liées à son contexte. Je n’ai lu que Le cartographe des Indes Boréales de cet auteur, que j’ai beaucoup aimé. Pourquoi ne pas poursuivre avec sa « série » policière » ?!…

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  2. Je suis une grande fan d’Olivier Truc. J’ai beaucoup aimé cette quadrilogie, hélas terminée, mais j’ai adoré Le cartographe des Indes boréales. Il a une puissance incroyable concernant les Samis dans la Suède du XVIIeme siècle et le rôle du luthéranisme dans leur destin. Il est proprement bouleversant. Je te le recommande chaudement.

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    1. Ce deuxième volet ne spoile absolument rien du premier (c’est rare et mérite d’être souligné) et peut également parfaitement se lire de façon indépendante. Mais je comprends que tu veuilles malgré tout commencer par « Le dernier Lapon », je préfère lire les séries dans l’ordre chronologique moi aussi.

      PS: J’ai emprunté « Stöld ».

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