Léonie B. · Sébastien Spitzer

Depuis Le coeur battant du monde (2019), quand paraît un nouveau roman de Sébastien Spitzer je ne réfléchis pas et je fonce.

Avec ce cinquième roman inspiré de la vie de Léonie d’Aunet (1820-1879), Sébastien Spitzer (1970) revient sur la passion qui unit pendant plusieurs années la première femme ayant participé à une expédition scientifique dans l’Arctique et Victor Hugo (1802-1885).

Du Spitzberg aux cachots de la prison pour femmes de Saint-Lazare

Léonie D’Aunet peinte par son mari François-Auguste Biard (1799-1882)

Léonie d’Aunet n’a que dix-neuf ans lorsque, déguisée en homme, elle embarque à bord de La recherche, bateau de la Marine nationale en route pour le Spitzberg avec à son bord de nombreux grands savants, tels que des géographes, géologues, naturalistes, physiciens, météorologues, botanistes et même un théologien.

Au moment où Léonie traverse l’Europe pour rejoindre Hammerfest dans le nord de la Norvège où l’équipage de La recherche attend les scientifiques pour les emmener au Pôle Nord, Paris s’écharpe sur le procès Barbès. Alors que les insurgés ayant tenté de renverser Louis-Philippe en mai 1839 sont en attente de jugement, Victor Hugo, « le poète qui se pique de politique » promu officier de la légion d’honneur deux ans auparavant, sauve in extremis de la noyade un jeune garçon en piteux état, Gavroche.

Obsédé par l’enfant des rues qui travaille à « l’abattoir » de Clichy, une usine où « on ne tue pas les bêtes mais les hommes », Hugo se met quelques jours plus tard à sa recherche et dans sa quête est sensibilisé aux conditions de travail catastrophiques des ouvriers du plomb qui meurent par centaines en fabriquant notamment le blanc de céruse, une teinte de blanc parfait utilisé par les peintres, les maçons et les artistes. Malheureusement, toutes ses lettres au Conseil de salubrité et au roi restent sans réponse.

Lorsque Léonie de retour du Spitzberg et Victor Hugo se rencontrent -à la moitié du livre- chez une connaissance commune, c’est le coup de foudre. Peu importe qu’ils soient tous les deux mariés -Hugo fréquente par ailleurs depuis plusieurs années déjà Juliette Drouet- et que presque vingt ans les séparent, ils entament une relation amoureuse passionnée jusqu’à ce qu’ils soient pris en flagrant délit d’adultère. Si Léonie est immédiatement arrêtée pour crime d’adultère et incarcérée à la prison pour femmes de Saint-Lazare, Victor Hugo, lui, repart libre, protégé qu’il est par son statut d’homme.

Si la défense des plus faibles -notamment des femmes et des enfants- lui tenait déjà à coeur et qu’il était déjà sensibilisé à l’exploitation des ouvriers dans les usines, c’est l’incarcération de Léonie qui lui fait véritablement prendre conscience de la condition des femmes au XIXème siècle et de l’inégalité crasse existant entre les hommes et les femmes. Selon Sébastien Spitzer que l’on sait passionné et grand connaisseur de Victor Hugo, Léonie serait celle qui aurait inspiré à l’écrivain son chef-d’oeuvre, Les Misérables (1862).

Très bien documenté et agrémenté de quelques vers et extraits de texte de Hugo, Léonie B. est, malgré une dernière partie un peu trop vite expédiée- un roman intéressant qui donne envie de (re)plonger dans ce monument de la littérature qu’est Les Misérables

Note : 3.5 sur 5.

Sébastien Spitzer sur le blog : La revanche des orages (2022)

Albin Michel, février 2024.
328 pages



© Image by Gerhard Zinn, Pixabay.
1ère lecture pour « Le printemps des artistes » proposé par Marie-Anne

16 réflexions au sujet de “Léonie B. · Sébastien Spitzer”

    1. Non, pas du tout sentimental et heureusement d’ailleurs! Jusqu’à la moitié du livre et la rencontre Léonie/Hugo, les chapitres alternent entre l’expédition au Spitzberg (peut-être un peu plus romanesque que le reste) et le quotidien de Hugo à Paris et ensuite, on en vient assez rapidement à l’arrestation de Léonie et aux dures réalités de l’époque.

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  1. Merci Fabienne pour cette participation au Printemps des artistes, que je vais inclure dans le bilan du début juin. Je n’avais jamais entendu parler de Léonie B. et son sort est très romanesque, dramatique aussi ! Victor Hugo n’était pas toujours exemplaire avec les femmes, je crois… Bonne semaine à toi !

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    1. N’ayant lu et étudié que « Les contemplations » au Lycée puis accompagné il y a quelques années ma fille dans sa lecture de « Le dernier jour du condamné », je ne connais pas très bien Victor Hugo malheureusement mais le peu que j’en ai lu, couplé au roman de Spitzer, me donne bien envie de ma plonger (peut-être cet été) dans « Les misérables ».

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  2. Honte sur moi ! Au début (de loin 😅) j’ai confondu l’auteur avec Sebastian Fitzek. Autant dire que, euh, rien à voir !^^ Jamais lu Spitzer, mais je sens que ce livre-ci pourrait bien me plaire. L’époque, Hugo, la condition des femmes au 19e siècle, tant de thématiques qui me parlent…

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    1. Tu m’as fait trop rire 😄 Non, en effet, difficile de leur trouver des points communs 😅 J’aime beaucoup les sujets historiques et sociaux que traite Spitzer dans ses romans. Les hasards de la lecture ont fait que j’ai lu immédiatement après celui-ci une biographie romancée autour de Jeanne Chauvin, la pionnière des avocates françaises, et que certains thèmes apparaissant dans le roman de Spitzer apparaissaient aussi dans la biographie romancée. Très intéressant!

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  3. Victor Hugo était un sacré personnage ; pour moi, c’est surtout le poète qui a écrit des vers magnifiques sur sa fille disparue, mais il avait tellement de facettes et au cours de sa vie il a évolué aussi. Bref, ce livre m’intéresse du point de vue de la femme qui vient se heurter à un tel monument. Elle avait l’air d’avoir de la personnalité celle-ci.

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    1. De Victor Hugo je n’ai lu et étudié au Lycée que « Les contemplations » justement et me souviens avoir été très touchée par la richesse et la beauté de ce recueil (alors qu’à la base je suis assez hermétique à la poésie). Léopoldine (et la façon dont elle disparaît) apparaît dans le roman de Spitzer bien sûr tout comme Juliette Drouet et la femme de Hugo. Je ne connais que les grandes lignes de sa vie et pensée mais je suis plus que tentée d’approfondir la question. Oui, Léonie est un sacré personnage en effet. Elle voulait aller au Spitzberg et au Spitzberg elle est allée! Alors qu’elle n’avait que 19 ans et qu’il était interdit aux femmes de participer à une telle expédition… Elle s’est même séparée de son mari par la suite, tout ça au milieu du XIXème siècle! Je serais d’ailleurs assez tentée de lire le récit qu’elle a écrit sur son expédition au Spitzberg.

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  4. Un livre qui m’intéresse pour plusieurs raisons : portrait de femme, condition féminine au XIXème siècle, Victor Hugo et Les Misérables pour n’en citer que quelques-unes. Ce serait aussi une occasion de découvrir la plume de Sébastien Spitzer que tu sembles apprécier 🙂

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    1. J’aime beaucoup cet auteur en effet que j’avais découvert avec « Le coeur battant du monde » dans lequel il racontait l’histoire du fils illégitime de Karl Marx. « Léonie B. » est assurément une bonne façon de commencer à découvrir son univers.

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