Dans l’écho lointain de nos voix · Brandon Hobson

Lorsque j’ai lu le commentaire de Tommy Orange, auteur du remarquable et bouleversant Ici n’est plus ici (2019), sur la quatrième de couverture de Dans l’écho lointain de nos voix (2024), je n’ai pas hésité une seconde.

Dans l’écho lointain de nos voix (2024) est le quatrième roman du professeur de creative writing et journaliste cherokee Brandon Hobson mais le premier traduit en français. Son précédent roman, Where the Dead Sit Talking (2018), inspiré de ces sept années d’expérience en tant que travailleur social auprès de jeunes défavorisés fut finaliste du National Book Award.

Roman polyphonique reposant sur quatre voix s’exprimant de façon très simple et factuelle à la première personne du singulier, Dans l’écho lointain de nos voix relate le quotidien difficile d’une famille cherokee toujours en deuil quinze ans après le décès tragique de l’un de siens.

Le roman s’articule autour de l’absence de Ray Ray, jeune Cherokee décédé à l’âge de quinze ans sous les balles d’un policier blanc. Une bavure policière de plus. Et un acquittement de plus. Un drame terrible et une injustice crasse de plus à l’origine du traumatisme d’une famille entière.

Maria Echota, assistante sociale à la retraite, ne s’est jamais vraiment remise de la perte tragique de son fils aîné et de l’acquittement du policier qui l’a tué. Rongée par l’inquiétude concernant son autre fils, elle doit désormais non seulement jongler avec l’Alzheimer de son mari Ernest mais également avec le silence prolongé et buté de son cadet Edgar. Ce dernier est toxicomane et a depuis plusieurs années déjà plus ou moins coupé les ponts avec ses parents, quittant très jeune son Oklahoma natal pour Albuquerque dans le Nouveau-Mexique. Quant à Sonja, la fille unique de Maria et Ernest, elle peine à se fixer sentimentalement et mène une vie solitaire non loin de la maison de ses parents. Régulièrement confrontée à des périodes d’obsession amoureuse envers des hommes bien plus jeunes qu’elle, elle entame une relation avec un jeune père de famille blanc dont le comportement se révèle rapidement problématique.

En donnant successivement la parole aux différents membre de la famille Echota mais également à l’esprit d’un Cherokee abattu en 1838 pour avoir refusé de partir à l’Ouest sur la Piste des Larmes, Brandon Hobson revient sur un pan très douloureux de l’histoire américaine, liant ainsi l’intime à l’universel.

« Nous nous révélons à ceux qui regardent. On a dit que nous étions une illusion, un cauchemar ou un rêve, les apparitions dérangeantes et tourmentées de l’esprit. Infatigables, perpétuons les rêves d’enfants et d’anciens, de ceux qui ont été harassés, malades, pauvres, blessés. De ceux qui ont été déplacés. »

Alors que l’esprit de Tsala raconte à son fils fusillé devant ses yeux notamment le déplacement forcé des Premières Nations entre 1831 et 1838, la famille Echota forte de ses traditions séculaires observe le ciel et la nature et se raccroche aux moindres signes venus de l’au-delà. L’arrivée dans leur vie d’un jeune garçon cherokee sera ainsi source d’une grande joie et ravivera l’écho de la voix de celui qui est parti bien trop tôt.

Brandon Hobson rend un hommage vibrant aux Premières Nations et signe avec Dans l’écho lointain de nos voix un roman à la fois intime et universel sur la perte, le deuil et les souffrances infinies causées par l’injustice.

Note : 3.5 sur 5.
Albin Michel, avril 2024.
293 pages.

The Removed (2021)

Traduit de l’anglais (USA)
par Stéphane Roques



Image by Natasha G / Pixabay

11 réflexions au sujet de “Dans l’écho lointain de nos voix · Brandon Hobson”

  1. J’ai beaucoup aimé le roman de Tommy Orange. Celui-ci semble être dans la même veine. Je viens de terminer un polar sur les violences à l’encontre des Afro-américains aux Etats-Unis et ça risque de faire beaucoup avec ce roman (même s’il ne s’agit pas de la même communauté), pour l’instant.

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  2. Fort intéressant et sûrement très émouvant! Je veux lire sur les Amérindiens et suis en train de me constituer une petite bibliographie à laquelle je vais ajouter ce titre.

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  3. J’ai Ici n’est plus ici dans ma PAL depuis sa parution. Il faut absolument que je le lise, mais à chaque fois que je le saisis, je ne me sens pas prête. Je note celui-ci aussi pour mes lectures amérindiennes.

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    1. J’ai mis du temps à lire « Ici, n’est plus ici », même si ce n’était pas pour la même raison que toi. Il a fait partie de mon Best of 2023, une lecture inoubliable! Je te souhaite d’ores et déjà une bonne future lecture.

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