Bilal sur la route des clandestins est le témoignage en « infiltré » d’un journaliste d’investigation italien sur son voyage pour rejoindre clandestinement l’Europe depuis l’Afrique.
Soucieux de comprendre de l’intérieur les raisons de l’immigration clandestine pour pouvoir témoigner du sort de « cette nouvelle classe sociale de l’Europe du XXIème siècle », Fabrizio Gatti a entrepris un très long et dangereux voyage, à travers le Sahara notamment, en compagnie de centaines de migrants qui chaque jour quittent famille et pays dans l’espoir ultime de rejoindre la forteresse européenne et vivre une vie meilleure.
A bord de trains mais surtout de camions dans un état de délabrement extrême et surchargés d’êtres humains entassés les uns sur les autres, il subira la faim, la soif, le manque de sommeil, la promiscuité et la maladie. Il sera aussi le témoin d’innombrables humiliations, insultes, coups, vols et extorsions perpétrés non seulement par les passeurs sans scrupules mais aussi et surtout par les militaires et les policiers. Il confirme l’existence d’énormes enjeux financiers et montre comment le traffic d’être humains donne lieu à un brassage de sommes d’argent proprement obscène.
Après avoir rallié, depuis Dakar, Bamako, Niamey et Agadez, son voyage s’arrêtera en plein désert, à la frontière lybienne, le visa pour la Lybie lui ayant été refusé. Mais loin de lui l’idée d’abandonner; il rebroussera chemin et rejoindra, depuis l’Italie cette fois, la tristement célèbre île de Lampedusa. Se faisant passer pour un immigrant kurde, il se jettera dans la mer pour être secouru des heures plus tard et finalement et enfin se faire enfermer dans « la cage », le fameux centre de rétention de Lampedusa…
Sans pathos mais avec empathie et beaucoup de lucidité, Fabrizio Gatti livre un récit de voyage hallucinant et fait la lumière sur l’un des aspects de notre (in)humanité la plus crasse. Il dénonce, impitoyable, une réalité abjecte dont il ne peut s’empêcher, en tant qu’européen, de se sentir un peu coupable. L’écriture, fluide et agréable, semble au départ assez factuelle, journalistique, mais sa plume se fait ensuite plus acérée, parfois assassine.
J’ai énormément de respect et d’admiration pour Fabrizio Gatti. Son témoignage m’a profondément touchée et me hantera encore longtemps. Si cette enquête a été publiée en 2007, le sujet est plus d’actualité que jamais et je ne saurai que chaleureusement vous inviter à lire ce livre. C’est un livre absolument nécessaire!
