Carthage de Joyce Carol Oates est l’histoire d’une tragédie familiale avec en toile de fond une réflexion sur certains maux et travers de la société américaine post-11 septembre, notamment le retour et la réinsertion dans la vie civile des combattants des guerres d’Irak et d’Afghanistan, la peine de mort et le système judiciaire et carcéral américain.
Juillet 2005, à Carthage, une petite ville du nord de l’Etat de New York. Cressida Mayfield, 19 ans, la fille cadette de l’ancien maire de Carthage, disparait. Les recherches vont bon train et mobilisent d’importants moyens mais restent malheureusement infructueuses. De retour d’Irak et gravement traumatisé physiquement et psychologiquement, le caporal et futur ex-fiancé de la soeur ainée de Cressida, Brett Kincaid, devient rapidement le principal suspect après que des gouttes de sang ont été retrouvées dans sa jeep. S’ensuivent la condamnation et l’incarcération. Les années passent sans que le corps de Cressida ne soit jamais retrouvé. Que s’est-il donc véritablement passé en ce fameux jour de juillet 2005 et pourquoi Brett a-t-il avoué le meurtre de Cressida?
Carthage, un petit pavé comme je les aime de près de 600 pages, est composé d’un prologue, de trois parties très distinctes et d’un épilogue dans lesquels, grâce à une alternance de points de vue et de fréquents retours dans le passé, Joyce Carol Oates sonde une nouvelle fois en profondeur la psychologie humaine autant que certaines failles de la société américaine.
Si la première partie est essentiellement centrée sur le drame de la famille Mayfield et interroge, à travers la disparition de Cressida et l’éclatement des liens entre Juliet et Brett, le bien-fondé de l’engagement US en Irak, la deuxième se déroule en Floride et repose sur la lutte contre la peine de mort d’un activiste et de sa stagiaire.
Dans cette seconde partie -absolument passionnante!- qui contraste fortement avec le reste du livre de par son côté presque documentaire, l’auteure dénonce avec virulence la peine de mort et le système judiciaire et pénitentiaire américain.
La visite d’une prison de haute sécurité avec son couloir de la mort et sa chambre d’exécution en compagnie d’un lieutenant qui éprouve un plaisir pervers à susciter la peur et le dégoût de ses visiteurs en détaillant notamment les exécutions ratées est glaçante de réalisme.
J’aime Joyce Carol Oates pour son style si particulier, sa capacité à rendre complexes et profonds des personnages très diversifiés, son engagement, son acuité et son regard sans complaisance (mais jamais moralisant) sur la société qui l’entoure.
J’ai passé avec Carthage un excellent moment de lecture!
