Si vous aimez les romans historiques et l’histoire contemporaine, il y a de grandes chances que vous appréciiez Les hommes incertains (2019) du journaliste et grand reporter français Olivier Rogez! Après L’ivresse du sergent Dida (2017), son premier roman se déroulant en Afrique de l’Ouest, il nous emmène ici dans les arcanes du pouvoir d’une URSS en pleine déliquescence.
En tant que grand reporter en poste à Moscou au début des années 1990, Olivier Rogez fut un témoin privilégié de cette période charnière située entre la chute du Mur de Berlin et la dislocation de l’Union soviétique. Ses connaissances des enjeux sociaux, économiques et politiques relatifs à cette ancienne superpuissance en pleine perestroïka auxquels s’ajoute encore une dimension mystique transparaissent clairement dans Les hommes incertains, ce qui en fait un roman orienté géopolitique très bien documenté et fort intéressant.
Mais le roman ne saurait se résumer à cela. Olivier Rogez a en effet écrit une grande fresque romanesque dans laquelle l’Histoire se mêle au destin de deux personnages centraux autour desquels gravitent un certain nombre de personnages secondaires, autant fictifs que réels.
Anton Nesterov, 20 ans et fils d’un éminent scientifique, vit en Sibérie jusqu’au jour où il obtient l’autorisation de rejoindre à Moscou son oncle Iouri Stepanovitch, un grand ponte du KGB. De la ville sibérienne secrète de Tomsk 7 aux coulisses du Kremlin et du KGB à Moscou, nous suivons alors ces deux personnages arrivés tous deux à un moment clé de leur existence. Alors qu’Anton, venu à Moscou pour accomplir son destin, représente la jeunesse avec ses envies de liberté et ses immenses espoirs d’une vie meilleure, Iouri lui, assiste avec anxiété et impuissance à l’effondrement de l’unique modèle qu’il connaît. La question de savoir ce qu’il adviendra d’eux après le démantèlement de l’Union soviétique est d’ailleurs une question lancinante et le roman oscille constamment entre la nostalgie d’un passé glorieux et les craintes d’un futur incertain.
Depuis les années 1980, l’Union soviétique est sur le déclin et l’époque où elle se targuait d’être une superpuissance est définitivement révolue. Depuis la chute du Mur de Berlin, un vent de liberté souffle au sein du bloc communiste et une ère nouvelle se profile. Mais la période transitoire est intensément dangereuse.
Olivier Rogez met brillamment en exergue cette période de bascule, la corruption à grande échelle, les trahisons et la grande agitation qui prévaut dans les plus hautes sphères du pouvoir en raison des luttes entre les ailes réformatrice et conservatrice, entre Mikhaïl Gorbatchev et Boris Eltsine. D’un côté l’ouverture démocratique et économique, de l’autre le refus obstiné de tout changement. D’un côté les aspirations et les espoirs d’un peuple contrôlé et soumis à la pénurie, de l’autre la peur énorme des élites qui se voient peu à peu dépossédées de leurs privilèges. Passionnant!
Avant de conclure, je dois quand-même émettre un petit bémol de rien du tout sur le style et un autre sur la différence de traitement existant entre les deux personnages principaux. L’auteur recourt en effet un peu trop souvent aux comparaisons, ce qui alourdit selon moi un texte par ailleurs vraiment bien écrit. Mais c’est un point de vue très personnel car j’ai, de façon générale, beaucoup de mal avec cette figure de style que je n’apprécie pas. Ensuite en ce qui concerne les personnages, je regrette que Iouri ait assez rapidement pris le dessus sur Anton, un personnage pourtant fort intéressant lui aussi et qui aurait mérité d’occuper davantage le devant de la scène.
Les hommes incertains fut une très bonne découverte qui m’a donné envie de lire d’autres romans historiques sur l’ex-URSS mais aussi sur la Russie tsariste. Et ce n’est pas rien sachant que je n’ai jamais réellement été attirée par cette partie là du monde…

Je pense que je vais l’acheter pour Patrice… merci pour le partage 🙂
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