Mémoire de soie (2020) d’Adrien Borne est le premier titre en lice pour la deuxième édition du Prix du Festival LàC, un festival du livre genevois créé l’année dernière par un groupe de cinq lectrices dynamiques et passionnées. Pour la deuxième année consécutive, j’ai le grand plaisir de participer à cette belle aventure en tant que jurée.
Mémoire de soie est un beau premier roman dans lequel Adrien Borne nous plonge dans l’intimité douloureuse d’une famille drômoise spécialisée dans l’élevage des vers à soie.
Dans un récit non linéaire oscillant entre 1936 et 1918, il raconte à travers différents points de vue le destin d’une famille avant et après la disparition tragique et bien trop prématurée d’un homme de vingt-cinq ans, un frère et un fils cadet héritier de la magnanerie familiale mais aussi et surtout un mari et un jeune père.
Adrien Borne construit son roman autour d’une absence, celle d’un homme dont la vie s’est achevée avant même d’avoir véritablement débuté, un homme qui pour sa femme « ressemblait plus à un éclair dans le ciel qu’à une étoile ».
« Elle avait tout connu sans rien connaître; elle avait aimé sans même en avoir le temps; elle avait été mère avec à peine le désir d’enfanter; elle avait été malheureuse en ayant tout juste salivé du bonheur. »
De par l’extrême fugacité de sa vie avec Baptistin, Suzanne a fait le choix de l’oubli et du silence. L’oubli et le silence pour avancer, tenter de se reconstruire et offrir une vraie famille à son jeune fils. L’oubli et le silence au détriment du devoir de mémoire et de la transmission familiale.
A travers le beau portrait d’une femme et d’une mère qui n’a « plus la force de retenir le silence » et avoue sur le tard à son fils la vérité sur ses origines, Adrien Borne signe un premier roman âpre et poignant sur la mémoire familiale, le poids du silence, des non-dits et des secrets.

Eva m’avait conseillé ce titre après avoir lu ta chronique. Je note :-). Question: est-ce que l’on apprend dans ce livre des choses relatives à l’élevage des vers à soie ou l’intrigue se concentre-t-elle « uniquement » sur les blessures familiales ?
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L’élevage des vers à soie sert davantage de toile de fond mais l’auteur nous donne quand-même quelques informations et il le fait très bien et de façon très visuelle (il s’est d’ailleurs inspiré sur ce sujet de sa lointaine histoire familiale). Je pense ici à une scène en particulier dans la magnanerie qui m’a donné envie de fermer les yeux et de sauter le paragraphe entier tant j’avais l’impression d’y être. Mais la magnanerie disparaît, pour une raison que je vais taire, assez rapidement même si elle continue de « hanter » les différents protagonistes. Ce qui est également intéressant et original, c’est que l’auteur a choisi une construction qui rappelle l’élevage des vers à soie… mais je n’en dirai pas plus 😉
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