Attirée par la couverture -un portrait en noir et blanc d’une jeune femme d’un autre temps- et par le sous-titre –A la recherche d’une famille perdue en Union soviétique-, je m’étais empressée de lire la présentation en quatrième et là, une certitude: il me fallait absolument lire ce récit de vie qui s’annonçait aussi instructif du point de vue historique que bouleversant sur le plan humain.
La romancière et traductrice-interprète allemande d’origine ukrainienne Natascha Wodin, née Natalja Nikolajewna Wdowina, a vu le jour en 1945 dans un camp pour personnes déplacées en Bavière après que ses parents ont été déportés en Allemagne en tant que travailleurs forcés l’année précédant sa naissance.
Elle venait de Marioupol. A la recherche d’une famille perdue en Union soviétique (2020) est un récit autobiographique libérateur, une enquête salvatrice dans les archives enfin ouvertes de l’Union soviétique ainsi qu’un éclairage bouleversant sur le sort de millions de travailleurs forcés non juifs -les deux tiers provenant d’Europe centrale et de l’Est- esclavagisés pendant la Deuxième Guerre mondiale pour maintenir à flot l’économie de guerre allemande.
« A présent, après presque cent ans de peur et de silence, dans toute l’ancienne Union soviétique, des peuples entiers se mettaient à la recherche de parents, de personnes disparues, de personnes arrêtées et de ceux qui n’étaient jamais revenus; ils cherchaient leurs origines, leur identité, leurs racines. »
Hantée par le souvenir de sa mère qui s’est suicidée en 1956 à l’âge de trente-six ans, Natascha Wodin a au fil des décennies tenté à plusieurs reprises de reconstituer la vie de sa mère avant sa déportation en Allemagne. En vain. Lorsqu’en 2013, à bientôt septante ans, elle tape un peu par jeu « Evguénia Iakovlevna Ivashchenko » dans un moteur de recherches russe, elle n’imaginait pas un instant tout ce qu’elle allait y découvrir.
« Tout ce que je savais, c’est que j’appartenais à une sorte de déchet humain, un déchet laissé par la guerre. »
Si elle a grandi dans la pauvreté et la promiscuité dans divers ghettos d’après-guerre réservés aux populations déplacées de force en provenance d’Europe centrale et de l’Est, Natascha Wodin a évolué dans un cadre familial traumatisé, marqué par le silence et les non-dits, ignorant pendant longtemps jusqu’à son statut de fille de travailleurs forcés. Dépourvue de racines, d’une identité et d’une histoire familiales, moquée, harcelée et mise à l’écart par les petits Allemands pour lesquels elle n’incarnait rien d’autre que la barbarie russe, elle a grandi avec la honte de ses parents et de son milieu.
Grâce à sa rencontre sur internet avec un généalogiste passionné, un Ukrainien d’origine grecque établi à Marioupol, elle va dès 2013 pouvoir progressivement combler les lacunes et reconstituer son histoire familiale du côté maternel. En quatre parties aussi intéressantes que touchantes, Natascha Wodin raconte avec précision ses démarches, ses difficultés et ses nombreuses -et incroyables- découvertes et nous dévoile le destin aussi extraordinaire que tragique de certains membres de sa famille élargie ainsi que celui de ses parents. Enfin, elle montre comment ces trajectoires de vie étaient étroitement liées à certains événements majeurs qui ont marqué au fer rouge l’Histoire de la première moitié du XXème siècle.
Elle venait de Marioupol est un témoignage humainement et historiquement fort que je vous conseille vivement de lire si vous aimez les récits de vie et l’Histoire.

Sie kam aus Mariupol (2017)
Trad. Alban Lefranc
© Oleksii Alieksieiev
Lu dans le cadre des Feuilles allemandes

Et bien nous auront fait de bien belles découvertes pendant ce mois thématique…
J’aimeAimé par 1 personne
Oui! Vivement la 3ème édition 🙂
J’aimeAimé par 1 personne
Je serais là 😉
J’aimeAimé par 1 personne
J’y compte bien! 😉 Quant à moi ma pal pour mars est déjà presque prête… Hâte!
J’aimeJ’aime
Tu donnes vraiment envie de le lire. Toutes ces existences bousculées, pour le moins, par la grande Histoire, ça m’intéresse.
LamartineOrzo sur IG
J’aimeAimé par 1 personne
Coucou Martine, je ne peux que chaleureusement le recommander. La première partie est très personnelle et présente essentiellement la généalogie -parfois un peu ardue- de l’autrice. Les parties suivantes mêlent quant à elles la petite et la grande histoire et sont vraiment très intéressantes! Je vais me laisser tenter par ses romans maintenant…
J’aimeJ’aime