Lady Chevy · John Woods  

Je résiste rarement à un roman de la belle collection « Terres d’Amérique », Lady Chevy (2022) n’a pas fait exception. Quel premier roman!

A travers le cheminement d’une jeune femme prête à tout pour quitter sa ville natale, un trou perdu de l’Ohio ravagé par une crise économique et écologique de grande ampleur, John Woods dresse le portrait très sombre et désespéré d’une région marginalisée peuplée de nombreux laissés-pour-compte.

Barnesville, « un lieu perdu et oublié, à deux heures de route de tout », est une petite localité de moins de cinq mille habitants nichée dans les Appalaches, une région sinistrée bien que magnifique, appauvrie par la délocalisation des aciéries en Chine, ravagée par les mines à ciel ouvert et les nombreux sites de fracturation hydraulique qui empoisonnent la faune et la flore et tuent à petit feu les êtres humains.

C’est dans cette région oubliée et gangrenée par la misère, la violence et la pollution qu’a grandi Amy Wirkner, une lycéenne de dix-huit ans surnommée Chevy en raison de son surpoids. Elle y vivote dans une caravane entre des parents démissionnaires et un petit frère, presque un bébé encore, né avec d’importantes malformations sans doute liées à la pollution environnementale.

En colère contre le lycée où elle est harcelée, en colère contre ses parents qui comme la plupart des habitants pauvres de la région n’ont pas eu d’autre choix que de vendre leurs terres à des entreprises sans scrupules, en colère contre l’industrie du gaz de schiste qui empoisonne et détruit tout sur son passage, Amy n’espère qu’une seule chose: quitter au plus vite et à tout jamais Barnesville qu’elle déteste par dessus tout. Très bonne élève, elle espère décrocher une bourse qui lui permettra de s’inscrire à l’université et réaliser son rêve de devenir vétérinaire. Mais lorsque l’un de ses deux amis déterminé à commettre un acte éco-terroriste la persuade de lui servir de chauffeur, elle prend la mauvaise décision. Quelques secondes à peine suffisent pour faire voler en éclats ses rêves et sa vie toute entière. Et c’est le début d’une longue descente aux enfers.

John Woods frappe fort. Très fort. Lady Chevy est un premier roman d’une noirceur infinie dans lequel il montre comment la rage du désespoir face à l’absence de perspectives d’avenir ainsi qu’un profond sentiment d’injustice et d’exclusion deviennent des éléments de rébellion extrêmement puissants poussant certaines personnes toujours plus loin dans le vice, l’immoralité et la violence. En faisant par ailleurs graviter autour d’Amy un certain nombre de personnages secondaires plus que douteux, John Woods évoque également le suprémacisme blanc et la haine raciale, l’endoctrinement, le survivalisme, le culte des armes ou encore la corruption policière.

Un portrait glaçant et sans concession d’une Amérique à la dérive.

Note : 4 sur 5.
Albin Michel, février 2022, 464 pages.

Lady Chevy (2020)
Trad. Diniz Galhos

11 réflexions au sujet de “Lady Chevy · John Woods  ”

    1. L’auteur a réussi à instaurer un climat très sombre, mettre le doigt sur un certain nombre de travers et créer des personnages marquants, souvent parfaitement infects, sans tomber dans la caricature. Amy/Chevy est un personnage que je n’oublierai pas de sitôt! C’est un très bon premier roman mais duquel je suis sortie lessivée…

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      1. Un problème de copier coller pour ma deuxième réponse 🤪 dans ma première réponse je voulais dire que les caricatures et stéréotypes sont de plus en plus fréquents dans la littérature contemporaine….😉 Cette fois-ci c’est bon 🥴

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  1. il pourrait me plaire, mais je suis tellement dépassée par les livres qui s’amoncellent en ce moment (2parmassecritique, 2 dispo en même temps à la BM alors que j’étais en liste d’attente et tous ceux que j’ai eus via NetGalley tout arrive en même temps 🙂

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