Exit les longues et belles phrases, les tournures syntaxiques recherchées et le vocabulaire distingué. Dans Rhapsodie des oubliés, les phrases vont droit à l’essentiel, les mots claquent et le vocabulaire est souvent brut et cru.
En donnant la parole à Abad, un jeune blédard libanais -pardon : « primo-arrivant »- de 13 ans et en usant d’un langage de rue à la fois grossier et sans filtre, inventif et drôle, mais qui en changeant de perspective sait parfaitement s’adapter pour devenir plus littéraire, plus doux, plus poétique aussi, Sofia Aouine signe un premier roman détonnant, vibrant, percutant de justesse et de sincérité.
Rhapsodie des oubliés est un roman qui parle vrai. Aucune surenchère ici, aucun misérabilisme. Juste la description d’une réalité sociale telle qu’elle existe aujourd’hui dans les quartiers sensibles des grandes villes françaises.
Bienvenue à la rue Léon, Barbès, Goutte-d’Or, Paris XVIIIème
A travers les émotions et les réflexions d’Abad, l’auteure raconte un quartier et ses habitants et offre une voix aux oubliés, à tous ces êtres abîmés qui vivent, ou plutôt survivent, dans un quartier gangrené par la crasse, la misère et la violence.
« Ma rue raconte l’histoire du monde avec une odeur de poubelles. […] Ici, c’est Barbès, Goutte-d’Or, Paris XVIIIème, une planète de martiens, un refuge d’éclopés, de cassos, d’âmes fragiles, de « ceux qui ont réussi à dépasser Lampedusa […]. Une ville dans la ville, monstrueuse et géante, une verrue pourrie sur la carte.
Ma rue a la gueule d’une ville bombardée, une gueule de décharge à ciel ouvert, une rue qui ne dort jamais, où les murs ressemblent à des visages qui pleurent ».
Rhapsodie des oubliés est un roman sur les rêves avortés et sur les envies d’amour grandes comme le monde.
S’il nous livre des fragments de sa vie en posant un regard lucide et sans concession sur le monde qui l’entoure et plus particulièrement sur sa famille défaillante et son quartier comportant son lot de désespérés et de dégénérés, Abad s’accorde parfois de brefs instants de répit dans son besoin de s’anesthésier la vie. « Sur le boulevard des rêves brisés », il ose parfois espérer un avenir meilleur.
Alors qu’il est en pleine explosion hormonale et commet bêtise sur bêtise, trois femmes croisent son chemin et vont lui apporter, chacune à leur façon, un peu d’espoir et de lumière, un rempart face au monde qui le dégoûte: Ethel, la dame « d’ouvrir dedans » aka Shrek, qu’il insulte mais qu’au fond il aime bien; Odette, la voisine aux cheveux poussière dont la mémoire flanche de plus en plus et de plus en plus souvent et qui lui a offert une seconde maison et presque une seconde mamie; Gervaise, la prostituée camerounaise au destin tragique avec « ses yeux de chats et un visage d’ange sur un corps de pute » et cette « tendresse de maman au fond des yeux ».
Ethel, Odette, Gervaise. Trois femmes qui révèleront un Abad attentionné, sensible aux autres et très touchant dans sa quête d’amour et de liberté.
Sofia Aouine signe avec Rhapsodie des oubliés un très beau premier roman. Fort, intense et profondément humain.

Je découvre ce titre avec ta chronique, l’extrait que tu as mis me plait. C’est Abad qui parle tout au long du roman ?
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Oui, à quelques exceptions près, c’est Abad qui parle tout le long. J’ai adoré ce livre!
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Je viens de passer le week-end à rédiger mes chroniques (j’ai lu 4 livres en 4 jours..) du coup, je viens te lire un peu tardivement .. joli billet ! je vois que ce livre plaît. J’ai une PAL énorme mais si je le croise à la BM, qui sait …
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Waw, tu es épatante! Hâte de te lire! Je suis en Italie pour la semaine et ne serai donc pas active sur le blog. Il va falloir que je prenne exemple sur toi pour la publication des articles 😉 Quant à Rhapsodie, si tu le vois à la BM, n’hésite pas une seconde!
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J’ai bien envie de me l’offrir…
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Je ne peux que t’y encourager!
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