Après les bouleversants The Free (2014) de Willy Vlautin (en français La ballade de Leroy) et En attendant Eden (2019) d’Elliot Ackerman, il me fallait absolument lire Sale boulot (1997) de Larry Brown.
Larry Brown (1951-2004) est l’auteur de six romans, deux recueils de nouvelles, une autobiographie et un essai. Sale boulot (1997), son premier roman, est un plaidoyer fort et poignant contre l’absurdité et la folie de la guerre.
« Y en a plein qu’ont rien de cassé physiquement. C’est dans leur tête que c’est cassé. »
Sale boulot est un huis-clos poignant, une plongée dans l’intimité d’une chambre d’hôpital militaire du sud des Etats-Unis. C’est dans cet espace confiné chargé de souffrances et de désespoir que deux vétérans de la guerre du Vietnam vont, le temps d’une nuit, s’apprivoiser, se raconter et se libérer.
Vingt-deux ans. Cela fait vingt-deux ans que Braiden Chaney végète dans cet hôpital du Mississipi. Cloué à jamais sur un lit depuis que la guerre l’a privé de ses quatre membres, il passe ses journées dans la plus grande solitude, les yeux rivés sur la télévision; régulièrement, il discute avec Jésus ou s’évade en pensées dans une lointaine contrée où il chasse le lion avec ses ancêtres africains. Quant à Walter James, un redneck du Mississipi, il souffre de graves crises d’amnésie depuis qu’une roquette lui a arraché le visage. Depuis, il carbure à l’alcool et à l’herbe.
Une nuit suffira à ces deux âmes écorchées pour se confier, à tour de rôle, sur leur vie d’avant, pour dire celle d’aujourd’hui, leurs souffrances et leurs rêves brisés, pour évoquer en filigrane la guerre qui en les laissant en vie, les a condamnés à mort. Une nuit pour évoquer cette mort tant désirée et la délivrance qui ne vient pas.
Avec beaucoup de sensibilité et sans jamais céder au misérabilisme, Larry Brown évoque divers traumatismes, aborde la question des inégalités sociales et du racisme, revient sur les ravages de la guerre, les séquelles physiques mais aussi psychologiques des vétérans puisque « quand t’appuies sur la détente, t’appuies pour l’éternité ».
Roman brut à l’image de ses deux narrateurs issus de milieux sociaux défavorisés, Sale boulot va droit à l’essentiel et ne s’embarrasse d’aucune fioriture. Une écriture simple, un langage familier et un ton qui sonne très juste. Un roman fort et d’une profonde humanité.
L’avis d’Ingannmic avec laquelle j’ai eu le plaisir de faire cette lecture commune est à lire ici. Quant à mes billets sur The Free et En attendant Eden, ils se trouvent ici et là.

Dirty Work (1989)
Trad. Francis Kerline
© Daniel Borker / Pixabay
j’ai lu le billet d’Inganmic
j’avais beaucoup aimé ma lecture, ravie qu’il t’ait plu également ! un sujet triste mais si bien traité
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Il était dans ma pal depuis un bon moment, très contente de l’en avoir enfin sorti!
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Je vois que comme moi tu as été conquise. Un roman fort, oui, et un sujet traité manière intelligente et crédible. Un auteur vers lequel je reviendrai, c’est sûr (j’ai noté Fay et Joe, chez Marie-Claude toujours…). Ravie de ce partage avec toi !
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Plaisir partagé! Oui, j’ai lu ton beau billet et je suis ravie de voir que nos avis se rejoignent complètement. Et tout comme toi, j’ai noté Joe et Fay chez Marie-Claude, même si je crois me souvenir qu’elle avait un peu moins aimé Fay… Si tu as envie de remettre ça dans quelques mois avec l’un de ces deux titres, tu sais où me trouver 🙂
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Ma foi! Quelle mémoire! Il est vrai que Fay (560 pages) m’avais beaucoup moins emballée. Je trouve que Larry Brown est à son meilleur dans le resserré.
Aussi, je garde un souvenir marquant de Joe et de Père et fils. Mais Sale boulot est… inoubliable à mes yeux.
J’espère que tu te laisseras prendre à nouveau par ses mots. Entre parenthèses: Sale boulot est, je trouve, son roman le plus éprouvant…
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Oui, j’en ai la ferme intention! Je pense continuer avec Joe et ensuite Père et fils.
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Avec plaisir, je retiens l’idée !
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Super, on se tient au courant alors. Je n’avais que « Sale boulot » dans ma pal mais je me procurerai « Joe » et « Père et fils » lors d’un prochain passage en librairie.
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J’avais été glacée par les premières pages et en lisant ton résumé, je comprends pourquoi … C’est le huis clos et l’immobilité qui m’avaient fichu la trouille ! Votre lecture commune me donnera peut-être l’énergie de m’y relancer …
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Je comprends très bien, c’est assez oppressant comme ambiance. C’est un roman qui vaut vraiment la peine d’être lu… au bon moment.
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