En attendant Eden · Elliot Ackerman

« Ce petit morceau de chair qu’elle touchait abritait un combat bien plus grand qu’elle n’en avait dans son corps tout entier. Sous son doigt, il y avait la survie, il y avait ce qu’un corps pouvait et devait être lorsqu’on le saccageait jusqu’à l’extrême limite. »

Saccagé jusqu’à l’extrême limite, Eden l’est bel et bien. Végétant depuis trois ans dans un centre pour grands brûlés à San Antonio, l’ancien Marine est devenu l’homme le plus grièvement blessé de l’histoire de la guerre après que son Humvee a sauté sur une mine en Irak, tuant tous les occupants mais le laissant, lui, tout juste survivant.

Trente et un kilos. C’est tout ce qu’il reste de cet ancien colosse de cent kilos. De cet homme, de ce mari et jeune père, il ne subsiste qu’un amas de chair entièrement brûlé, un corps amputé en dessous du torse et un cerveau irrémédiablement endommagé. Eden n’est plus qu’une présence immobile et silencieuse clouée à jamais dans un lit.

Elliot Ackerman signe avec En attendant Eden un court roman (mais ô combien intense et poignant) à la construction remarquable et au style maîtrisé, une histoire de vie bouleversante, de celles qui nouent la gorge et marquent durablement.

Sans aucun pathos mais avec beaucoup d’humanité, l’auteur évoque la guerre et ses conséquences dévastatrices autant sur les victimes que sur leur entourage et incite à la réflexion en soulevant les questions si douloureuses de la fin de vie, de l’acharnement thérapeutique et de l’euthanasie.

Grâce à un narrateur omniscient, un fantôme qui traine dans les parages en attendant qu’Eden passe de l’autre côté, il dit l’amitié et le grand amour. Mais il dit aussi et surtout la terrible souffrance liée à une lente et douloureuse agonie. Les délires d’un cerveau abîmé, d’un corps en souffrance et la volonté d’en finir enfin. Il dit l’ambivalence des sentiments d’une épouse aimante. Sa loyauté et sa culpabilité. Énorme. Il dit l’attente. Terrible. L’attente et toutes ces vies en suspension. La délivrance qui n’arrive pas.

Un roman fort et douloureux, lu en quasi apnée. Une magnifique découverte.

Note : 5 sur 5.
Gallmeister, 159 pages, avril 2019

Waiting for Eden
Trad. Jacques Mailhos

2 réflexions au sujet de “En attendant Eden · Elliot Ackerman”

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