Agnes · Peter Stamm

Depuis ma découverte il y a deux ans de son bouleversant et magnifique Weit über das Land (2016) – L’un l’autre (2017) en français-, Peter Stamm (1963) est devenu pour moi un incontournable dans le cadre des « Feuilles allemandes » au mois de novembre.

Agnes (1998) –Agnès (2000) en français- est le premier roman, très remarqué à l’époque, du journaliste, dramaturge et romancier suisse allemand. Tous ses romans (huit à ce jour), ainsi que ses recueils de nouvelles, ses récits et son livre pour la jeunesse, ont été traduits en français. Il est considéré comme une grande voix de la littérature germanophone contemporaine.

Les romans de Peter Stamm sont courts, parfois très courts (Agnes ne fait par exemple que cent soixante pages) tout comme les chapitres et les phrases. Son écriture est relativement sèche, sans fioritures, mais non moins puissante et évocatrice; les limites de son univers sont parfois floues, indéfinies et ses personnages, souvent indécis, ne sont pas particulièrement attachants. Si je n’adhère généralement pas du tout à ce genre d’écriture, Peter Stamm et plus particulièrement L’un l’autre -une merveille du genre- furent, contre toute attente, une véritable révélation.

Dès son premier roman, le Thurgovien impose son style et son univers singuliers. Lapidaires, les deux premières phrases de Agnes annoncent d’emblée la couleur :

« Agnes ist tot. Eine Geschichte hat sie getötet. »

(Agnès est morte. Une histoire l’a tuée).

A partir de là, Stamm remonte le temps jusqu’à la rencontre entre le narrateur et Agnes neuf mois plus tôt à la Chicago Public Library. Lui, un écrivain suisse allemand d’une quarantaine d’années, se trouve temporairement aux Etats-Unis pour mener des recherches pour son prochain livre sur les wagons de luxe Pullman. Elle, une assistante américaine de vingt-cinq ans à l’Institut de mathématiques de l’Université de Chicago, travaille à sa thèse de physique. Des premiers mots échangés au premier café bu sur les marches de la bibliothèque, de leur première sortie au restaurant à leur premier week-end en dehors de Chicago pour randonner en forêt, de l’emménagement d’Agnes chez le narrateur et de sa demande qu’il écrive une histoire dont elle serait l’héroïne, nous plongeons au coeur d’une histoire d’amour dont la fin dramatique est annoncée dès la première ligne.

Bien plus qu’une histoire d’amour cependant, Agnes raconte la création littéraire, le pouvoir des mots et de l’imagination et leur impact parfois dévastateur sur la réalité*. Dans ce premier roman singulier mais captivant, la fiction rejoint malheureusement, et tout à fait tragiquement, la réalité.

Un auteur à découvrir.

(* Lila, Lila du Zürichois Martin Suter aborde également la thématique de la création littéraire. Chronique à lire en cliquant ici).

Note : 4 sur 5.

Romans de Peter Stamm chroniqués sur le blog : L’un l’autre (2017) et Sept ans (2010).

Lecture commune autour de Peter Stamm avec Cléanthe et Valérie qui ont lu L’un l’autre, Patrice qui a lu Paysages aléatoires et Karin Sept ans.

Fischer, mai 2009, 160 pages



© Image by Rick Lobes, Pixabay
Les feuilles allemandes, 5ème lecture.

12 commentaires sur “Agnes · Peter Stamm”

  1. J’ai hésité un moment avec ce premier roman pour cette lecture commune. Mais je pense que je ne tarderai pas à le découvrir, car j’ai vraiment accroché à cet auteur. Ces premières phrases en tout cas sont énigmatiques. Et je tenterais bien une lecture en VO.

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  2. Difficile de résister à tant d’enthousiasme vis-à-vis de cet auteur ! Reste à savoir si je commence par ce premier roman … Je laisserai peut-être le sort (c’est-à-dire les disponibilités en médiathèque) décider pour moi 😀

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